Ouardi : «Dans la valse des entraîneurs, la poire est coupée en deux»

Sollicité pour nous donner son avis sur la valse des entraîneurs, le technicien Mourad Ouardi nous expliquera que le manque de stabilité est derrière la vingtaine d’entraîneurs déjà limogés au bout de 8 journées seulement. Pour lui, beaucoup de choses sont à revoir et le nouveau règlement stipulant qu’un coach ne peut pas faire plus de deux clubs par an n’est pas forcément la meilleure des solutions.

En tant que technicien que pensez-vous de la vingtaine d’entraîneurs déjà limogés au bout de 8 matches seulement ?

Tout le monde sait dans quel contexte est organisé notre football. La majorité des entraîneurs sollicités par les clubs parlent uniquement de rémunération mais pas d’objectifs. Les responsables de clubs ne fixent pas de vrais objectifs avec les entraîneurs lors des négociations. Or, ils devraient parler des objectifs sportifs, mettre les moyens qu’il faut et avoir certaines compétences qui vont permettre à l’équipe d’évoluer. Malheureusement, la seule chose qui compte en général pour les entraîneurs, c’est la rémunération. C’est donc un peu de leur faute lorsqu’on les limoge au bout de trois matches. Pendant que les responsables veulent être sous les feux des projecteurs, la pression du public augmente et les présidents finissent par liquider les entraîneurs après quelques matches seulement.

 

Quels sont, selon vous, les raisons de ces limogeages hormis l’aspect financier ?

Dans un club il y a des étapes à suivre. Lorsque par exemple on vient des divisions inférieures, pourquoi vouloir changer les joueurs et en ramener de nouveaux ? Il faut franchir palier par palier. Chez nous on révolutionne toute l’équipe ensuite on se demande pourquoi ça ne marche pas, puis sous la pression du public qui se montre exigeant, on finit par limoger les entraîneurs alors que le problème n’est pas forcément là. Les objectifs non tracés font que les clubs ne savent que faire et se retrouvent du coup dans l’instabilité qui provoque le retour à la case départ à chaque saison. Lorsqu’on change tout l’effectif malgré le fait qu’il y ait de bons joueurs, qu’on change d’entraîneur à chaque fois, comment voulez-vous qu’il y ait une progression ? Même avec des bons résultats presque toutes les équipes changent tout et on recommence tout à zéro, cela fait perdre du temps au club qui au lieu de franchir un palier se retrouve au niveau précédent pour tout recommencer. Malheureusement beaucoup d’entraîneurs acceptent des situations catastrophiques puis se retrouvent sur un siège éjectable. C’est un peu de leur faute. A mon sens chaque club doit fixer des objectifs selon ses moyens et la richesse de son effectif. Je pense que les entraîneurs son remerciés parce qu’au fond les responsables ont peur de faire face aux supporters qui attendent toujours des résultats qui ne doivent pas forcément venir tout de suite mais avec le temps, le travail et la persévérance. C’est un sujet qui mérite beaucoup de temps et une partie dans le journal ne risque pas de suffire pour développer toute la question.

 

Mais en résumé qu’est-ce que ça va donner ?

En résumé, c’est notre football qui est le grand perdant. Ceux qui veulent l’argent et qui sont dans le domaine sont satisfaits car ils parviennent à gagner, mais sans se soucier du niveau qu’il faut élever ou pour que les équipe progressent.

 

La FAF a mis en place un nouveau règlement qui consiste à délivrer uniquement deux licences par saison pour les entraîneurs, comme ça on devrait voir moins de limogeage vous êtes de cet avis ?

Pas vraiment. Pour moi c’est forcément la solution la plus adéquate. Ce qu’il faut dans les clubs c’est quatre choses essentielles qui sont quasi inexistantes sauf dans quelques clubs à l’image de l’USMA qui a gardé 80% de son effectif. Ces quatre choses sont 1- la stabilité ; 2- les compétences que ce soit de la part des responsables ou des entraîneurs ; 3- les moyens qu’il faut mettre et qu’il faut savoir gérer et enfin 4- les objectifs. Il faut se fixer des objectifs à court terme. Franchir palier par palier. C’est là les conditions pour réussir. Il faut savoir que les clubs qui jouissent d’une certaine stabilité peuvent réussir sans avoir à dépenser beaucoup d’argent. Cela dit il y a une chose qui me ronge l’esprit, c’est comment est-ce un club ramène un entraîneur qui vient d’être limogé. Lorsqu’un boxeur tombe dans un combat sur KO, il lui faut un peu de temps pour se ressaisir et combattre de nouveau, en étant meurtri, il est difficile de relever la tête. Mais dans nos clubs ce sont les mêmes  entraîneurs qui tournent. Il y a également un autre paramètre, sur 5 ans, un entraîneur peut faire 20 clubs, tandis qu’en Europe, c’est 5 entraîneurs limogés dans un championnat en 1 an seulement. Les clubs c’est une histoire une identité, il faut de la déontologie chez les entraîneurs comme c’est le cas chez Murinho par exemple qui est le modèle parfait de la réussite car partout où il va il ramène des titres.

R. H.

 

 

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