EN: L’entraîneur local, une utopie

Cela fait déjà plus de deux semaines que l’équipe nationale est sans entraîneur national pour la suite du parcours. La FAF prend son temps et privilégie la piste étrangère dans sa recherche en n’accordant que très peu, voire pas de crédit à la compétence locale.

La Fédération privilégie la piste étrangère

L’équipe nationale est maintenant à la recherche de son nouveau capitaine de bord pour la suite du parcours. Christian Gourcuff parti retrouver sa France natale, les dirigeants de la FAF sont donc à la recherche d’un nouveau coach charismatique, ambitieux et ayant un certain vécu dans une sélection nationale. Les critères établis par le patron de l’instance de Dély Ibrahim ont été clairs, il veut un entraîneur de renom qui pourrait faire progresser l’équipe et la qualifier au mondial russe dans deux ans maintenant. Plusieurs pistes existent et sont scrutées par les dirigeants algériens pour trouver le meilleur remplaçant au technicien français.

Mazzari, Lopetigui et les autres

Dès le départ, la FAF a décidé de prendre tout son temps pour désigner un nouvel entraîneur national car, selon elle, rien ne presse surtout que l’équipe nationale a pratiquement validé son billet pour la prochaine édition de la CAN qui se tiendra au Gabon l’année prochaine. Donc, du côté de l’instance, elle aura tout le temps qu’il faut pour négocier et définir le profil adéquat pour mener Feghouli et ses camarades au Mondial russe. Rien à signaler pour le moment sauf que toutes les pistes scrutées mènent à l’étranger où les Lopetigui, Wilmots, Mazzari ou encore Susic sont suivis. D’autres entraîneurs étrangers ont également été proposés et leurs CV sont sur le bureau de Raouraoua. Pour la FAF, la question est tranchée et il n’y a point de doute, le prochain sélectionneur national sera un étranger de renom pour mener la barque de l’EN pour les prochaines échéances qui l’attendent.
 Désaveu de la compétence locale

Par cette ligne directive qu’a pris la FAF dans sa recherche pour trouver le remplaçant de Gourcuff, il y a une sorte de désaveu du produit local qui ne fait pas l’unanimité mais aussi n’est pas pris en compte. L’entraîneur local est boudé, décrié et ne fait pas le poids devant les pistes prestigieuses que vise la FAF. D’ailleurs, cette ligne de conduite est perçue comme une sorte de désaveu à la compétence locale qui n’a plus aucune chance de faire ses preuves au sein de l’équipe nationale. Aujourd’hui, le coach local n’a plus de crédit et ne peut donc aspirer à prendre en charge la sélection nationale pour la mener à bon port. C’est dire que voir un entraîneur local à la tête des Verts relève de l’utopie.

Kermali, Abdelouahab et Saâdi

Aujourd’hui donc, un coach local ne peut pas aspirer à prendre la sélection nationale. Cependant, le seul sacre africain acquis par l’EN l’a été sous la conduite d’un trio locale. Feu Kermali, feu Abdelouahab et enfin Saâdi étaient les protagonistes du sacre lors de la CAN 1990 qui s’était tenue à Alger. Il en est de même pour Rabah Saâdane qui a mené l’équipe nationale à Gijón en 1986 en étant sélectionneur national, puis en 2010 lorsqu’il était arrivé à la demi-finale de la CAN et conduit l’équipe nationale à la coupe du monde en Afrique du Sud. Donc les principaux faits d’armes ont été accomplis par la compétence locale qui n’est plus reconnue actuellement. En attendant, la FAF poursuit les recherches pour dénicher un technicien doté de l’expérience nécessaire et ayant fait déjà un mondial pour prendre le relais et aller au Mondial russe.

I. Z.

Les entraîneurs s’expriment

Pour en savoir un peu plus sur ce boycott de l’entraîneur local, on a décidé de contacter quelques entraîneurs locaux bien connus dans le paysage footballistique algérien et avoir leur avis sur cette question. Saïb, Biskri et Saâdi se sont exprimés sur cette affaire et le verdict est clair et unanime. Oui, la compétence locale existe, oui les entraîneurs locaux peuvent assurer et réussir. Il suffit de leur donner les moyens qu’il faut et de les protéger comme l’ont été les différents coachs étrangers qui sont passés par l’équipe nationale. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi systématiquement, on doit se tourner vers les entraîneurs étrangers pour mener la sélection nationale. Un désaveu complet et un boycott qui ne trouve pas d’explications.

Saïb : «Ce qu’a fait Saâdane une preuve de la compétence locale»

L’ancien international en est convaincu, l’entraîneur local a toutes les qualités qu’il faut pour prendre en main la sélection à condition qu’il soit soutenu et disposant de tous les moyens qu’il faut pour réussir comme l’ont été les différents entraîneurs étrangers passés par l’équipe nationale. Pour l’ancien entraîneur de la JSK, il n’y a point de doute, la compétence au niveau local existe bel et bien mais il faudrait qu’on lui donne l’opportunité pour faire ce qu’il faut et surtout pour réussir. Contacté par nos soins, il assure : «Je ne comprends pas pourquoi on s’obstine à aller chercher un entraîneur étranger à chaque fois. Qu’ont-ils fait pour mériter tout cet égard ? Je pense que l’entraîneur local mérite amplement la chance de driver la sélection. Nous avons les compétences qu’il faut pour prendre en main l’équipe nationale et la mener à bon port. Il n’y a qu’à voir ce qu’a réussi à faire Saâdane. Il est allé en demi-finale de la coupe d’Afrique, il est allé au Mondial à deux reprises et il a été critiqué. D’autres ont échoué et ont reçu le soutien qu’il faut.»

«Même chez les jeunes, ce sont des étrangers»

Saïb n’y va pas avec le dos de la cuillère et fait un constat amer. Même chez les jeunes, ce sont des étrangers qui sont aux manettes : «Il faut regarder aussi chez les jeunes. Il y a un entraîneur étranger qui s’occupe des U23. Ce n’est pas normal. Vahid, Gourcuff, Schürmann. Il n’y en a que pour les étrangers.»

«Donnera-t-on à un local le salaire de Gourcuff ?»

Poursuivant dans son intervention, Saïb veut qu’on donne à l’entraîneur local les mêmes moyens que pour les étrangers : «L’entraîneur local a besoin de soutien. A quoi ça sert de parler de les former pour qu’on ne leur donne pas la chance ? Regardez Gourcuff, il a échoué à la CAN et il a été soutenu. De même pour Vahid. Qu’on leur donne les moyens de réussir, qu’on les soutienne et qu’on les encourage et le résultat viendra. En plus, je me demande, est-ce qu’on donnera le même salaire à un coach local que celui que touchait Gourcuff ? Certainement pas.»

I. Z.

Saâdi : «C’est de la fabulation»

L’un des entraîneurs les plus expérimentés d’Algérie et un acteur de la seule consécration africaine de l’équipe nationale, Nouredine Saâdi a aussi donné son avis sur la question. Pour lui, pas de doute, le fait de voir un entraîneur local est de la fabulation tout simplement : «Arrêtez, vous croyez sincèrement cela. C’est de la pure fabulation. Regardez ce qui se passe chez les jeunes où il n’y a que des entraîneurs étrangers. Vous voudriez que l’équipe nationale A ait un entraîneur local !  C’est de la pure fabulation.» Un avis tranché pour l’ancien entraîneur du Mouloudia et de l’USMA.

I. Z.

Biskri : «Le problème est bien plus profond»

Pour sa part, Mustapha Biskri va dans le même sens que ses confrères et est un des plus grands défenseurs de la compétence locale. Pour lui, l’entraîneur local a les épaules qu’il faut pour assurer ce genre de missions : «Je ne cesserai jamais de le dire. Oui, l’entraîneur local peut prendre en main la sélection nationale. On a des compétences et elles peuvent être utiles. Cependant, on voit certains sur les plateaux de télévision opter pour les étrangers car pour eux, l’équipe nationale a maintenant un statut et ne peut être prise par un autre entraîneur que par un étranger. Déjà, il faudrait que les entraîneurs continuent de passer leurs diplômes comme ça a été le cas pour Laroum ou Boulahdjilet. Maintenant, je pense que le problème est bien plus profond que ça. Il faut juste regarder ce qui se passe au sein des clubs où il n’y a rien qui puisse faire avancer les choses. La FAF a opté pour le technicien étranger et on ne peut que respecter cette ligne de conduite.»

I. Z. 

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