Kerbadj à cœur ouvert : «Voilà pourquoi je quitte la LFP»

A dix jours de son retrait officiel de la LFP, Mahfoud Kerbadj s’est confié à Compétition. Sans détour, le patron de la Ligue de football professionnel a répondu à toutes nos questions. Il explique les vraies raisons de son départ, parle de Raouraoua et de Zetchi et enfin répond à Réda Malek, ex-président du CRB qui n’a pas hésité, il y a quelques jours, à le dénigrer sur un plateau télé. Entretien.

 

Que fait le président de la LFP un dimanche à 17h30 ?

Je suis installé tranquillement dans mon canapé à regarder un match de football. Aujourd’hui que je me suis retiré de la LFP, je peux me le permettre, pas tout le temps hélas vu mes obligations professionnelles. Mais il m’arrive, des fois, de voler quelques heures pour respirer sans que mon téléphone ne sonne, que je lise ou que j’écoute des insanités sur ma personne.

 

Mais vous êtes toujours président de la LFP…

Oui, jusqu’au 17 mai, le jour où j’annoncerai officiellement mon retrait. J’installerai une commission électorale, j’organiserai mon AG extraordinaire, ensuite : LIBERTEEEEE

 

A ce point vous voulez partir ?

Oui,  je n’en peux plus. Je voulais partir au mois de mars, mais pour ne pas mettre le nouveau président de la FAF dans l’embarras et surtout parce qu’abandonner le navire en pleine tempête aurait été lâche de ma part, j’ai décidé de rester jusqu’à la fin du championnat.  

 

Vous deviez partir en mars, puis le 30 avril, puis le 7 mai, et maintenant le 17 mai, certains doutent réellement de votre départ…

Mon départ est officiel, la date de l’AG extraordinaire est déjà fixée. Pour ce qui est des dates que vous avez citées, je vais vous donner une explication simple qui, je l’espère, dissipera les soupçons. M. El-Hadi Ould Ali, ministre de la Jeunesse et des Sports, m’a demandé de rester au moins jusqu’à ce que le championnat se termine, ce qui est normal. Le 17 mai, on sera fixés sur les dates finales de ce qui reste comme journées en L1, et comme la désignation des arbitres n’est pas de mon ressort, je pars avec le sentiment du devoir accompli.

 

Beaucoup, y compris nous, ne sont pas convaincus par les raisons «officielles» de votre départ ; dites-nous franchement pourquoi vous quittez le navire et pourquoi maintenant ?

Je vous l’ai déjà dit, je pars pour pouvoir faire mon travail, le vrai, convenablement.

 

Désolé, mais on n’est toujours pas convaincu par cette réponse…

 (Il s’énerve) Dans ce cas, je ne peux rien pour vous, c’est la seule réponse que je peux vous fournir, et c’est la vraie aussi.

 

Excusez-nous d’en douter, mais si l’on insiste, c’est parce que vous aviez évoqué sur ces mêmes colonnes les même raisons il y a une année de cela et vous êtes quand même resté président…

 Je suis un haut fonctionnaire de l’Etat. En ma qualité de directeur général de l’imprimerie officielle, j’ai des responsabilités, beaucoup de gens comptent sur moi, beaucoup de gens dépendent de moi. Comme vous le savez sûrement, mon poste est extrêmement sensible et croyez-moi, je prends cela très au sérieux. Je suis exigent envers moi-même, comme je le suis envers mes employés. Je n’ai pas le droit à l’erreur. J’ai constaté que je ne peux plus à la fois faire mon travail et assurer comme président de la LFP. C’est devenu impossible. Alors j’ai tranché.  

 

Mais vous le faisiez avant, vous l’avez fait pendant des années, qu’est-ce qui a changé ?

Les choses changent, les obligations aussi. Je suis un être humain et je n’ai plus 30 ans. Si j’ai tenu pendant ces années au détriment de ma famille et de mon travail, c’est d’abord par passion, ensuite par devoir envers les personnes qui m’ont élu président. Aujourd’hui, je ne peux plus jouer sur les deux fronts. Il fallait que je fasse un choix, j’ai choisi mon travail, ma carrière.  Et, puisque vous insistez, surtout pour prouver ma bonne foi, je vais aller un peu plus dans les détails. Sachez que j’ai reçu la visite du ministre de l’Intérieur M. Bedoui récemment. Il m’a confié le dossier «très sensible» des cartes biométriques. Je ne vous le dis pas, c’est très important pour lui, pour le pays, donc pour moi. Cette tâche  demande beaucoup de travail. Cela exige d’être à la fois minutieux et rapide. Il faut par conséquent un suivi continuel et rigoureux, donc une présence presque permanente de ma part dans mon bureau. Je dois tout superviser, tout contrôler, tout revoir…C’est ça mon vrai job, sinon, le foot, c’était du bénévolat.

 

Donc, votre retrait qui coïncide avec le départ de Raouraoua est un pur hasard…

Oui, ça parait bizarre, voire suspect,  surtout pour vous les journalistes, mais c’est la vérité. La seule.  

 

Si Raouraoua était resté président et que ce dernier vous aviez demandé de rester…

(Il nous coupe) Je crois que vous ne m’écoutez pas ou alors, vous ne me prenez pas au sérieux. Je vous dis que mon départ n’a rien avoir avec Raouraoua. Alors, oui, même si ce dernier avait décidé de rester, je serais quand même parti et ce, malgré ma relation avec ce grand homme dont je suis fier de compter parmi mes amis  

 

Justement, votre relation avec le président sortant est une énigme. Un jour vous êtes les meilleurs amis du monde, le lendemain vous êtes en froid ; alors, vous êtes amis et alliés ou pas ? 

Je connais Raouraoua depuis les années 80. Il était mon patron en 1983 au ministère de la Communication au temps où Bessayeh était ministre. On est resté amis et proches depuis. C’est vrai qu’il nous est arrivé d’être en désaccord ou complètement fâchés, mais seulement dans le cadre du travail. Notre amitié est restée durant toutes ces années intacte. Je pense même que je fus parmi les premiers à être au courant de son intention de ne pas briguer un nouveau mandat, lui aussi savait que je n’allais pas rester jusqu’en 2019.

 

Certains ont écrit que vous aviez postulé à la FAF et que c’est parce que Zetchi est passé que vous avez décidé de quitter la LFP…

Ce sont des menteurs malintentionnés. Je n’ai jamais déposé de dossier, ni songé à la présidence de la FAF, surtout pas avant que Raouraoua n’annonce son retrait. J’aurais pu, c’est vrai, y songer après son annonce, mais je ne l’ai pas fait pour les mêmes raisons qui m’ont poussé à quitter la Ligue.

 

Donc, entre votre travail et la présidence de la FAF, vous auriez choisi la direction de l’imprimerie officielle…

Absolument ! On n’efface pas 24 ans de carrière comme ça ! Mon travail c’est toute ma vie. Certains gagnent leur vie au foot et la gaspillent ailleurs, moi c’est le contraire, je gagne ma vie ailleurs et je la gaspille dans le foot ; c’est aussi là toute la différence entre Mahfoud Kerbadj et certains de mes détracteurs que je ne citerai pas, bien entendu.

 

Parlons alors du nouveau président de la FAF ; le pensez-vous capable de faire comme ou mieux que Raouraoua ?

Je le lui souhaite du fond du cœur, même si je dois dire que Raouraoua a placé la barre très haut. Je ne suis pas de ceux qui crient : le roi est mort, vive le roi, comme beaucoup l’ont fait ces derniers mois.  

 

Est-ce par loyauté, par amitié ou par conviction ?

Les trois je pense. Mon soutien à Raouraoua a été toujours public et connu de tous. C’est vrai qu’il a commis des erreurs, beaucoup même, mais il a aussi beaucoup fait pour le football national et ça, personne ne peut le nier ou l’effacer. Pour revenir à M. Zetchi, je dirai que c’est un homme du milieu. Il est jeune, il est intelligent et est animé de beaucoup de bonnes intentions. Je lui conseille de prendre exemple sur Raouraoua et son travail, ne pas égratigner ce qui a été fait et essayer de corriger les lacunes et les erreurs faites par son prédécesseur sans pour autant vouloir tout changer ou révolutionner. Il y a beaucoup de bonnes choses qui ont été réalisées ; tout détruire serait un énorme gâchis.

 

Le président de la FAF a gelé le championnat pour faire jouer les matches en retard, n’est-ce pas là une ingérence dans votre domaine ?

Mais c’est moi qui ai proposé ça à Zetchi ! Je crois qu’on a écrit quelque part que c’est à cause de ça que j’ai quitté la LFP. Là aussi, je démens puisque geler le championnat fut mon idée, et je remercie Zetchi de m’avoir écouté. Et là, je tiens à dire qu’écouter les autres est une qualité dont jouit Zetchi. C’est un bon signe.

 

Zetchi est propriétaire du PAC, ses deux vice-présidents, Haddad et Ould Zmirli, sont aussi propriétaires de l’USMA et du NAHD ; ne pensez-vous pas qu’il y aura conflit d’intérêt, vous qui étiez président du CRB ?

Je leur souhaite la bienvenue dans le calvaire Kerbadj (rire). J’en ai souffert pendant des années. On m’a accusé, à tort bien sûr, d’aider le CRB. Ça va être pareil pour eux. Sur le pan légal, ils ne sont plus présidents de leurs clubs respectifs, mais, et vous allez voir, à chaque journée de championnat de la saison prochaine, on va les accuser d’avantager leurs équipes au détriment des autres. Ils vont souffrir de ça tous les trois ! Les autres présidents ne vont pas les lâcher, vous les gens de la presse encore plus. Je leur souhaite beaucoup de chance.

 

Un conseil à leur donner, alors ?

Ils n’y échapperont pas, c’est sûr. Mais mon conseil, c’est qu’ils restent corrects, ils y gagneront au moins la tranquillité de la conscience. Moi, je peux aujourd’hui défier quiconque pouvant prouver que j’ai aidé le CRB. J’ai servi le football du mieux que j’ai pu, je pars la tête haute et je quitte la LFP par la grande porte et de mon propre chef. Je ne me suis pas accroché au fauteuil, je cède ma place à qui la souhaite et j’espère la mérite.

 

On va quitter la LFP et la FAF pour parler du CRB, Malek vous a récemment cité…

(Il nous coupe encore) On est obligé de parler de cette personne ?

On le souhaite en tout cas, surtout que ces accusations à votre encontre sont assez, dirions-nous, graves…

Que dire à quelqu’un qui a osé se comparer à Lefkir ? Quand je l’ai entendu dire qu’il a donné au CRB plus que notre regretté Lefkir, j’ai failli casser mon téléviseur. J’ai la rage rien qu’à y penser. Comment peut-il dire des stupidités pareilles ? Aucun président en Algérie n’a fait pour son club la moitié de ce que Lefkir a fait pour le Chabab. Le pauvre, il a hypothéqué sa maison pour le club. Un jour lors d’une assemblée, un président que je ne citerai pas, parlait des 18 milliards qu’il a dépensés pour le club, Lefkir s’est levé et lui a balancé ça : «Le costume de président du Chabab vaut plus que tes maudits 18 milliards…» J’en ai la chair de poule rien qu’à en parler. Vient aujourd’hui Monsieur Malek, toute honte bue, oser se comparer à ce monument ! Quand j’étais président du CRB, j’allais prendre conseil auprès de Lefkir. Jamais je n’osais le contrarier, encore moins diminuer de ce qu’il avait fait pour le CRB ; j’avais du respect pour  cet homme. Aurait-il eu le courage de sortir toutes ces insanités si aâmi Mohamed était encore vivant ? Jamais ! Honte à lui !

 

Il dit qu’il a payé vos dettes…

Mais il a succédé à Gana, pas à Kerbadj, pourquoi il parle de moi ? Rappelez-moi le dernier titre du CRB ?  Ah, oui, la Coupe d’Algérie que Kerbadj et Henkouche ont remportée en 2009. Rappelez-moi le parcours de Malek… Non je vais le faire : assurer le maintien la dernière journée lors d’un triste match au 20-Août face au CABBA.  SVP, parlons du CRB, du vrai Chabab !

 

Ok, si vous le dites ! Pensez-vous que Zaki doit rester la saison prochaine ?

Ça doit être la priorité de l’actuelle direction, Badou Zaki doit rester. C’est ce que je ferais si j’étais président.

 

Y a-t-il des chances de vous revoir à la tête du club maintenant que vous allez quitter la LFP ?

Pourquoi pas ? J’aime ce club, le Chabab coule dans mes veines, je ne l’ai jamais caché, j’en suis même très fier. Rien qu’hier, j’ai passé une sale soirée à cause du second but de l’USMBA dans les arrêts de jeu. Contrairement à certains, moi je regarde les matchs à partir du virage avec les supporters comme moi ! Je mettrai ma main au feu qu’eux ne les regardent même pas à la télé !

 

On reparle de Malek là…

Passons, passons !

 

Hemmar, Arab et Lahlou ont affiché leur intention de vous succéder à la LFP, une préférence ?

Je n’ai aucune préférence. Que le meilleur gagne, l’AG décidera.

 

Que pensez-vous de Hammoum comme candidat ?

A moins que le BF ne lui accorde le statut d’expert FAF, Hammoum n’est pas éligible, il n’est pas membre de l’AG, et puis, même si c’était le cas, qui voterait pour lui ? L’AG est composée de présidents de club et ces derniers vont certainement élire quelqu’un des leurs.

 

Un dernier mot ou des souhaits peut-être pour cette fin de saison…

J’ai quelques souhaits oui : 1-le Chabab gagne la Coupe d’Algérie ; 2- que le Réal perde la Champions League face à la Juventus ; 3- que le Barça remporte la Liga ; 4-que nos arbitres restent clean en cette fin de saison et enfin que le fair-play soit dans nos stades.

A. B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

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