La disparition d’Idir fait mal. Icône mondiale, ses amoureux, du simple amateur aux professionnels, les journalistes, écrivains, dessinateurs, en passant par les sportifs et les politiciens regrettent avec amertume sa disparition. Ils ont tenu à travers les réseaux sociaux à lui rendre un dernier hommage en signe d’affection et de reconnaissance. Jamais un artiste algérien ou même africain n’a suscité autant de réactions, ce qui témoigne de la grandeur de ce monsieur.
Idir, grand ambassadeur de la chanson kabyle et algérienne, défenseur acharné de la liberté et de l'identité berbère à travers le monde est mort samedi 2 mai à Paris à l'âge de 70 ans. Sa disparition a ému tout le monde ; il n’y a qu’à voir la pluie d’hommages et leurs auteurs pour mesurer le poids et le respect qu’il a imposés aux autres.
Tebboune : «L’Algérie a perdu l’un de ses monuments»
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a été parmi les premiers à réagir à sa mort. Il a fait part de son "immense tristesse". «Avec sa disparition, l'Algérie perd un de ses monuments", a-t-il écrit sur sa page facebook. « J’ai appris avec beaucoup de regret et de tristesse la nouvelle de la disparition de Hamid Cheriet, connu sous le nom artistique d’Idir, l’icône de l’art algérien, à la renommée internationale. L’Algérie perd en lui une pyramide de l’art algérien», a souligné le président Tebboune, priant Dieu Le Tout-Puissant de prêter patience et réconfort à la famille du défunt, de l’entourer de Sa sainte miséricorde et l’accueillir en Son vaste paradis aux côtés de ceux qu’Il a comblés de Ses bienfaits et entourés de Sa grâce éternelle ». Bel hommage du président algérien.
L’hommage de l’Unesco
L’Unesco n’a pas été en reste de cette vague de messages et d’hommages. «Il était l’un des principaux ambassadeurs des cultures kabyle et berbère », déclare l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture.
Yasmina Khadra : «Il va manquer à nos joies»
«Un chanteur qui s’en est allé sur la pointe des pieds (…) comme un chant d’été à la fin de la colonie (…), comme se taisent les légendes de l’Algérie, son pays, son angoisse son inconsolable litanie», a écrit, pour sa part, le romancier Yasmina Khadra, pour qui le défunt «va beaucoup manquer à nos joies si chahutées de nos jours par nos peines (…). Mais son absence sera pour nous Algériens, et pour ses fans de partout, un grand moment de recueillement.»
Le témoignage poignant de Lounis Aït Menguelet
Lounis Aït Menguelet est un ami proche du défunt Idir. Le ciseleur de mots lui a rendu visite, il y a quelques mois, alors qu’il était très malade. Il a tenu à raconter cette rencontre en hommage à son ami Idir. «Coup dur en cette belle matinée de printemps ! Pour moi, le départ d’Idir marque la fin d'une époque pour notre chanson. À ma dernière visite, il me disait qu'il était peu probable qu'il monte encore sur scène à cause de sa respiration assistée. On s'était mis à imaginer un moyen de dissimuler une bonbonne d'oxygène à côté de lui sur la scène qui lui permettrait de chanter à son aise. Nos idées, agrémentées de son sens de l'humour bien connu, se sont transformées en une bonne partie de rigolade. La mort n'était pas au programme, aucun de nous n’y pensait. Repose en paix mon ami, ce que tu as laissé t'assure l'immortalité. Mes plus sincères condoléances à ses enfants et à toute sa famille». Emouvant.
Allaoua, Rabah Asma, Mohamed Réda Djender, Stina, Bouchafa Massa, Cheikh Sidi Bemol… pleurent leur «phare de la lumière»
«Mon maître m’a quitté», écrit pour sa part Mohamed Allaoua, qui a collaboré avec le défunt dans plusieurs concerts. Le chanteur kabyle Rabah Asma est aussi un fan invétéré d’idir. Il considère que «la Kabylie a perdu un symbole». Massa Bouchafa et Yasmina ont aussi tenu à rendre hommage au regretté ; ils ont mis en exergue « l’idole de toutes les générations d’Algériens». L’autre monument de la musique algérienne Safy Boutella parle d’une «perte immense pour notre pays et le monde artistique». Pour sa part, Cheikh Sidi Bémol a carrément qualifié Idir de projecteur : «Il est le phare de notre culture et la lumière qui guide les artistes.» La chanteuse finlandaise Stina, qui a repris plusieurs chansons d’Idir, dont Aya Ikhirinou, n’est pas restée insensible à la disparition d’Idir. «C’est avec une grande tristesse que je viens d’apprendre le décès d’une personne d’exception. Aujourd’hui, il laisse un vide effroyable, mais aussi un héritage moral considérable», écrit-elle sur sa page Facebook. Le chanteur algérien Mohamed-Réda Djender, qui est un cousin Idir, a fait part de sa profonde tristesse suite à la mort de « Da Hamid ». Sur les ondes de la Chaîne 3, Momo parle d’une personne gentille, simple, modeste, hautement cultivée et extrêmement sensible.
Le bel hommage de Maxime Le Forestier
«Quand on faisait des duos avec Idir. On en a fait deux. Le premier, c’était «San Francisco» que Brahim Izir avait traduit, et ça s’appelait "Tizi Ouzou". Et pour son disque «Identités», Idir m’avait demandé de venir chanter en duo. J’avais dit : je suis d’accord à une condition, c’est que ce soit toi qui chantes en français et moi en kabyle. Ça été pour moi extrêmement difficile parce que le kabyle est une langue très difficile à prononcer. Il y a trois sortes de "f", c’est très compliqué. Après, pour son dernier album, il m’a demandé de faire la même chose avec «Né quelque part». C’était un homme exquis, une sorte de prince parce qu’il régnait quand même sur la chanson kabyle, sans partage quasiment. C’était un grand mec», dira le grand chanteur compositeur Maxime Le Forestier à RFI.
«Un chantre protecteur et bienveillant»
L’ancien ministre de la Culture français Jack Lang, aujourd’hui président de l’Institut du monde arabe, a écrit de jolis mots aussi sur Idir : «Le pilier du patrimoine algérien». «Je ressens une peine immense en apprenant la disparition d’une légende» de la chanson kabyle. Citoyen du monde et ménestrel au cœur tendre, Idir était unique. Il nous laisse un répertoire inoubliable. Chanteur-poète, sa voix douce résonnait puissamment en nous comme le chant d’un berger rêveur et généreux. Idir était un «chasseur de lumière». Il nous berçait de mélodies douces et nous transportait vers les hauts plateaux de la Kabylie dont il était un chantre magnifique et l’ange protecteur et bienveillant.»
«Heureux d'avoir connu un tel homme»
Sur Twitter également, Akhenaton du groupe IAM a exprimé sa gratitude à Idir : "Nous sommes tellement tristes de la disparition de notre ami Idir et en même temps tellement heureux d'avoir connu un tel homme, d'avoir fait de la musique ensemble et pris quelques cours de géologie. (...) Tu vas nous manquer. ». Pour Grand Corps Malade, qui a collaboré avec Idir, il était "un monument absolu chez les Kabyles". Interrogé par franceinfo, le slameur se souvient notamment de la chanson « Lettre à ma fille », écrite pour l'album d'Idir La France des couleurs. A son tour, l'auteur de BD, écrivain (et par ailleurs musicien) Joann Sfar lui a rendu un joli hommage.
Zedek Mouloud : "Il a révolutionné la musique kabyle"
Pour Zedek Mouloud, Idir a été l'ambassadeur de la chanson kabyle à travers le monde : "Ce monument de la musique kabyle a été un ambassadeur éclairé de notre culture et de la chanson kabyle aux quatre coins du monde, ses chansons ont envoûté des générations entières. Un poète, un homme de paix, une voix qui force le respect. Un chanteur qui a révolutionné la musique kabyle en la projetant sur l’orbite des musiques du monde sans rien perdre de son originalité."
Zidane, Mahrez, Attal, Hamroun et Bensebaïni
"Tu as marqué mon enfance (...) Je n'oublierai jamais notre rencontre", a écrit sur Instagram la légende du football français Zinedine Zidane. Les internationaux algériens ne sont pas restés muets après la disparition de cette legende. Mahrez Ryad, Attal Youcef, Ramy Bensebaïni et Rezki Hamroun ont tous tenu à témoigner leur tristesse et leurs regrets après la mort d’Idir. Hakim Medane, Mohand Chérif Hannachi et d’autres personnalités sportives ont aussi fait part de leur chagrin après cette terrible nouvelle.
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Un amoureux de l’Algérie et des Algériens
Idir aimait profondément son pays. Lui qui est resté des décennies sans chanter en Algérie devant son public a eu la chance de le faire il y a un peu plus de deux ans. Des moments qu’il qualifie d’inoubliables et pleins d’émotion. Idir suivait l’actualité du pays de très près et était fier et content de la merveilleuse manière avec laquelle ils ont mené leur révolution. Dans une interview au Journal du Dimanche, en avril 2019, il avait évoqué le mouvement ("Hirak"). "J'ai tout aimé de ces manifestations : l'intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique (...). J'avoue avoir vécu ces instants de grâce depuis le 22 février comme des bouffées d'oxygène. Atteint d'une fibrose pulmonaire, je sais de quoi je parle", disait-il. "Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire.".