Classée 620e mondiale au classement WTA, la joueuse de tennis Inès Ibbou a publié samedi soir une vidéo sous forme de lettre ouverte à destination de Dominic Thiem. Dans ce témoignage poignant, l'Algérienne de 21 ans s'adresse directement à l'Autrichien, qui a dénigré le professionnalisme des mal classés fin avril, en dépeignant le quotidien difficile des joueurs qui ne bénéficient pas des meilleures conditions d'entraînement ou des ressources financières suffisantes pour vivre de leur passion.
C'est un témoignage qui émeut le monde du tennis depuis samedi soir. Inès Ibbou, joueuse de tennis algérienne de 21 ans qui occupe la 620e place mondiale au classement WTA, a publié une lettre ouverte en vidéo à destination de l'Autrichien Dominic Thiem samedi soir, avant de la relayer sur ses réseaux sociaux ce dimanche. L'Algérienne a décidé de s'adresser directement au numéro 3 mondial, qui avait expliqué qu'il ne soutiendrait pas financièrement les joueurs mal classés, suite à une initiative lancée par d'autres joueurs du circuit : "Aucun de ces joueurs mal classés ne lutte pour survivre, avait déclaré l'Autrichien fin avril. Toute l'année, j'en vois beaucoup qui ne donnent pas tout au tennis. Beaucoup ne sont pas très professionnels. Je ne vois pas pourquoi je devrais leur donner de l'argent."
Suite à la parution de ces propos, Inès Ibbou a décidé de partager son expérience de joueuse mal classée, elle qui occupait les meilleures places mondiales chez les jeunes : "Comme toi, j'ai atteint les sommets des classements juniors. Pas le top 10, mais 23e joueuse mondial. (...) C'était tellement improbable que beaucoup de journalistes m'ont appelé "le miracle du tennis"". Provenant d'un milieu difficile peu propice à la pratique du tennis, l'Algérienne dévoile à l'Autrichien toutes les difficultés qu'elle a rencontrées au cours de son début de carrière. "Je ne sais pas comment c'était pour toi, mais pour nous, là-bas (en Algérie, ndlr), s'il pleut pendant une semaine, on bosse notre revers... à la salle de sport. Et je ne parle même pas de la qualité des installations ou des courts...", explique Inès Ibbou.
Plongée dans les galères des joueurs mal classés
Dans ce témoignage émouvant d'une dizaine de minutes publié en anglais, la joueuse algérienne explique que nombreux sont les joueurs du circuit à partager les mêmes galères qu'elle et que leur mauvais classement ne signifie pas pour autant qu'ils ne donnent pas leur maximum pour ce sport, contrairement à ce que sous-entend Dominic Thiem. "Je suis une femme solitaire, qui voyage à travers le monde, généralement avec deux escales, toujours à la recherche du billet le moins cher. Qui sacrifie son temps, ses entraînements et son repos uniquement pour postuler à un simple visa, sans garantie de l'avoir", témoigne Inès Ibbou.
Performante chez les catégories de jeunes, l'Algérienne explique dans cette lettre ouverte avoir subi une blessure au pire moment, lorsqu'elle s'apprêtait à rentrer dans le monde professionnel. "Ma situation était désespérée, explique Inès Ibbou. Mais je me suis remise sur les bons rails et j'ai réussi mon passage vers les pros." "Je me demande, Dominic, ça fait quoi d'avoir un entraîneur qui t'aide sur le circuit ? Un préparateur physique ? Un kiné ? Un coach mental ? Un staff rien que pour toi ? Je vis seule la plupart du temps", rapporte l'Algérienne dans vidéo.
"Dominic, on ne t'a rien demandé"
Alors qu'elle n'a pas pu bénéficier de sponsors ou de soutiens financiers qui lui auraient permis de mieux débuter sa carrière professionnelle, Inès Ibbou précise à Thiem que "ce n'est pas grâce à ton argent qu'on (les autres joueurs du circuit mal classés, ndlr) a survécu jusqu'à présent, et personne ne t'a rien demandé. L'initiative est venue de joueurs généreux qui ont immédiatement fait preuve de compassion, avec classe."
Depuis les propos de Thiem, le Player Relief Program, un fonds de soutien, a d'ailleurs été créé pour venir aider les joueurs et joueuses comme Inès Ibbou. Plus de 6 millions de dollars (5,5 millions d'euros) ont été collectés et seront redistribués à ces joueurs du circuit qui traversent des mois compliqués en raison de l'absence de compétitions. La conclusion de la joueuse algérienne renvoie aux propos du joueur autrichien, qui n'aura donc pas participé à cette initiative : "Dominic, je te l'ai dit, on ne t'a rien demandé. À part un peu de respect pour nos sacrifices."
Cette lettre émouvante a fait réagir le président de la République, Abdelmadjid Tebboune qui a souligné dimanche soir que le ministère de la Jeunesse et des Sports prendra en charge dans les plus brefs délais la préoccupation de la tenniswoman algérienne Ines Ibbou.
"L'Algérie ne peut se permettre de perdre un talent sportif comme Ines Ibbou qui est jeune et qui a toute une carrière devant elle dans une spécialité ou peu d'Algériens excellent. Le ministère de la Jeunesse et des Sport prendre en charge ta préoccupation dans les plus brefs délais. Tout mon soutien et mes vœux de succès", a tweeté le président de la République.