Alors que la Fédération algérienne de football a annoncé, depuis quelques jours, que les différents championnats de football devraient reprendre leur droit après le déconfinement, selon un calendrier et une feuille de route qui sera publiée incessamment, on travaille désormais, au niveau de la FAF, sur les différents protocoles à suivre pour une reprise progressive des activités.
D’abord, les entraînements en petits groupes, puis en groupe, pour ensuite prévoir une reprise des compétitions qui devrait avoir lieu au mois d’août prochain si, bien évidemment, le confinement sera levé le 14 juin prochain par les autorités algériennes. Les clubs doivent toutefois observer toute une série de mesures sanitaires dans le but de préserver et prémunir la santé de ses joueurs et des officiels du club. Un protocole sanitaire est d’ailleurs en cours d’élaboration par la commission médicale de la FAF, présidée par le Pr Damerdji, afin qu’il soit mis en application par tous les clubs. Il n’en demeure pas moins que les propos tenus avant-hier par le Pr Damerdji sur les ondes de la radio Chaîne 3 n’ont pas été bien accueillis par les différents clubs. Pour appel, il a clairement affirmé que les frais relatifs à l’application de ce protocole sanitaire devront être pris en charge par les clubs eux-mêmes ; ce qui constituera une charge assez importante et supplémentaire aux clubs. Un lourd fardeau pour certains qui ont déjà du mal à assumer de simples frais quotidiens.
Où ira l’aide de la FIFA et de la CAF ?
La question qu’on est en droit de se poser est de savoir où ira cet apport versé par la FIFA, de l’ordre de 500.000 dollars, et celui de la CAF de l’ordre de 200.000 dollars, censé aider les fédérations à gérer cette reprise. Des subventions qui devraient être accordées aux clubs afin qu’ils puissent gérer cette situation exceptionnelle, notamment par rapport aux différents frais de gestion du protocole sanitaire. La logique veut que c’est à la FAF d’aider les clubs à subvenir à leurs dépenses liées à ce protocole sanitaire, exactement comme ce fut le cas chez nos voisins tunisiens ; la FTF a versé aux clubs une première tranche de l’ordre d’un million de dinars tunisiens, avant de leur accorde une rallonge de 40.000 DT après avoir perçu les 200.000 dollars de la CAF.
Des coups faramineux à supporter
Il y a lieu de dire que le coût de ce protocole sanitaire risque bien d’être insupportable pour les clubs, notamment les plus démunis qui n’arrivent même pas à payer les salaires de leurs joueurs. A titre d’exemple, un simple test PCR coûte environ 10.000 dinars, alors que le test rapide, ou bien le test par scanner, coûte environ la moitié, c’est-à-dire 5.000 dinars. Lorsqu’on sait que le protocole qui devrait être prôné par la commission médicale oblige les clubs à effectuer des test réguliers à hauteur d’un test par semaine, avec une composante d’environ 50 personnes à tester, entre joueurs, membres des différents staffs technique, médical et administratif, sans oublier les dirigeants, cela portera la facture hebdomadaire juste pour les tests Covid-19 de 250.000 à 500.000 DA par semaine, sans oublier bien évidemment la disponibilité en très grande quantité des produits désinfectants, tels que le gel hydro-alcoolique, les bavettes et autres équipements nécessaires. La facture pourrait bien s’alourdir et atteindre des montants insupportables pour la trésorerie des clubs.
Le transport, l’autre souci
L’autre paramètre qui risque d’alourdir encore plus la facture pour la trésorerie des clubs, c’est l’obligation de distanciation entre les joueurs et différents acteurs, que ce soit au niveau des stades ou ans les différents moyens de transport. Il faut dire que le protocole sanitaire qui sera appliqué obligera les clubs d’opter pour deux bus pour les déplacements en groupe, ou bien des moyens de transport individuels, de façon à mettre en application cette directive. Ce qui engendrerait bien évidemment des coûts supplémentaires et alourdirait davantage cette facture.
- A.
Merzekane (DS du NAHD) : «Les clubs ont assez de charges, c’est à la FAF de les aider»
Nous avons pris attache avec le directeur sportif du Nasria, en l’occurrence Chabane Merzekane, afin d’avoir son avis sur l’histoire des frais supplémentaires liés au protocole sanitaire. «Je pense que si l’on était dans une situation normale, ce serait logiquement au club de prendre en charge ces frais liés à ce protocole sanitaire ; mais vu la situation précaire qui prévaut dans la plupart de nos clubs, ce ne sera certainement pas possible. Les clubs ont aujourd’hui assez de charges et de dettes envers leurs joueurs, avec des mois et des mois de salaires impayés ; ce n’est donc pas possible de les enfoncer un peu plus. Ce sont des mesures coûteuses qui entraîneront des frais importants. Comme la FAF a reçu des aides de la FIFA de la CAF dans ce sens, elle doit à son tour aider les clubs, notamment dans ce registre. Pour revenir aux propos du Pr Damerdji, je pense que cela n’est pas de son ressort ; il devrait se contenter d’édicter le protocole sanitaire. Tout ce qui est en relation avec le volet technique, c’est à la DTN de le prendre en charge, alors que le volet financier est du ressort des hauts responsables de la FAF. La division médicale n’a absolument rien n’avoir là-dessus», dira-t-il
- A.
Cheddad (pdt de l’ASAM) : «On n’a pas les moyens»
Pour sa part, Cheddad Bensid, le président de l’AS Ain M’lila, a lui aussi bien voulu s’exprimer sur les propos de M. Damerdji qu’il trouve d’ailleurs insensés : «Sans parler de ce fameux protocole sanitaire que l’on se doit d’appliquer, nous les petits clubs qui n’ont pas de sociétés nationales ni de sponsors, sommes vraiment dans une situation très difficile et précaire. On n’a même pas de quoi payer nos joueurs ; on est des clubs totalement démunis sur le plan financier. Nous demander de supporter encore d’autres frais, c’est nous égorger. Des clubs comme l’ASAM et autres petites équipes sont vraiment étouffés par cette situation. Les joueurs attendent d’être payés et on veut nous ajouter un autre fardeau. Si l’on veut réellement reprendre, il faut voir du côté des petits clubs, on est vraiment asphyxiés.»
- A.
Korichi (DS du CRB) : «Cette décision n’est pas du ressort de Damerdji»
Bien que son club parrainé, faut-il le rappeler, par le groupe Madar soit en bonne santé financière, Toufik Korichi, le directeur sportif du CRB, trouve cette décision totalement insensée par rapport aux difficultés financières que rencontrent la plupart des clubs : «Je dois tout d’abord dire qu’une telle décision n’est clairement pas du ressort de la commission médicale, qui doit se contenter d’établir le protocole sanitaire, sans pour autant s’attarder sur le volet financier. Je connais très bien le Pr Damerdji, qui est un ami ; il a dû s’empresser quelque peu d’avancer de tels propos. Je pense que les clubs ont assez de difficultés financières pour leur imposer un autre fardeau supplémentaire. Du moment que la FAF a reçu des aides de la FIFA et de la CAF, elle doit les répartir sur les clubs. Au CRB, on n’a peut-être pas ce problème, vu qu’on a le groupe Madar qui est là, mais d’autres clubs ont de vrais soucis financiers. On doit donc les prendre en considération.»
- A.
Bennacer (pdt NC Magra) : «Nous les clubs de l’ombre sommes enfoncés»
Pour sa part, le président du NC Magra, en l’occurrence M. Bennacer, désavoue totalement la décision de la FAF de reprendre la compétition. Il estime que son club et ceux qui sont démunis comme le NCM ne peuvent envisager la reprise de la compétition : «Sincèrement, avant de parler de ce protocole sanitaire, il est insensé de parler de reprise de la compétition, alors que le virus n’a pas encore disparu. La FAF a agi seule en décidant d’une reprise, alors que le MJS a clairement dit qu’il fallait d’abord attendre le déconfinement, pour voir la possibilité de reprise des compétitions sportives. De plus, des clubs comme le NC Magra, l’ASAM et autres sont des clubs de l’ombre que personne ne prend en considération. Si certains ont des sociétés qui les parrainent, nous n’avons rien, même pas un sponsor. Malgré cela, nous faisons de notre mieux pour gérer nos clubs à moins de 6 milliards de centimes de budget. Et puis, lorsqu’on parle de protocole sanitaire, il faut d’abord voir sa faisabilité. A M’sila à titre d’exemple, dans toute la wilaya, il n’y a pas de tests Covid-19 ; comment peut-on nous imposer d’en faire chaque semaine ? Alger n’est pas l’Algérie, est totalement dépourvu de moyens ; nous n’avons ni les moyens humains ni matériels pour appliquer ce protocole sanitaire, encore moins avec nos propres moyens financiers. Je pense qu’avant de prendre une telle décision, il fallait consulter les clubs, se concerter avec eux et voir s’il y a possibilité de reprendre ou pas. Il aurait été plus judicieux d’arrêter le championnat et de prendre des décisions, même si elles seront défavorables sportivement pour nous, la santé des hommes passe avant tout, car soyez certains qu’il ya des zones d’ombre. Dans les divisions inférieures, on n’a aucun moyen pour appliquer ce protocole. Nous concernant en tout cas, on risque de ne pas reprendre, car on n’a pas les moyens.»
- A.