Il est rare, ces dernières années, de voir Mahieddine Khalef s’exprimer dans la presse. Le héros de la Coupe du monde 1982 avait décidé de son plein gré de prendre du recul. ‘’J’évite d’aller au stade.’’ Une phrase que Khalef répètera maintes fois, lors de sa rencontre samedi avec ses anciens poulains en équipe nationale Belloumi, Chaïb, Kaci-Saïd Mohamed et Kouici, qui lui ont rendu visite à son domicile en compagnie de Kada Chafi, le président de l’association La Radieuse, qui a proposé à ces anciens internationaux des années 80 d’aller à la rencontre de Mahieddine Khalef.

Quand ils ont débarqué au domicile de ce dernier, il n’y était pas. ‘’J’étais en train de faire mon habituel jogging quand on m’a prévenu de votre visite. Pour preuve (il montre son survêtement), je n’ai même pas pris ma douche’’, dira à ses hôtes le bâtisseur du Jumbo Jet, plutôt ravi qu’on ait pensé à lui. ’’C’est une belle surprise, j’ai devant moi mes quatre joueurs, des garçons éduqués et de grands joueurs. C’est un grand jour’’, les remerciera-t-il.

‘’J’ai 77 ans, je m’entraîne tous les jours’’

Récemment, une rumeur sur l’état de santé de Mahieddine Khalef a suscité l’inquiétude des Algériens, car ce dernier n’a laissé que de bons souvenirs. Ils seront aussitôt rassurés après par des proches de Khalef. ‘’Il se porte merveilleusement bien’’, ont-ils coupé court à cette rumeur. Lors de la ‘’gaâda (rencontre) avec ses hôtes samedi, on l’a vérifié : Khalef se porte bien. ‘’Le 17 janvier dernier, j’ai atteint l’âge de 77 ans. Je me porte bien, je m’entraîne tous les jours’’, rassure-t-il. Le quatuor de joueurs, qui ont beaucoup apporté à l’EN pendant leur longue carrière internationale, étaient très attentifs au discours de leur ancien coach en équipe nationale. ’’Jusqu’à présent, des personnes étrangères, en me croisant dans la rue, m’interrogent sur leur état d’esprit, et ce n’est pas parce que vous êtes devant moi. Je leur dis toujours que ce sont avant tout de vrais hommes, des fils de bonne famille, je n’ai jamais eu de problèmes avec eux (…) Ce sont des joueurs qui ont servi loyalement le pays’’, raconte Khalef. Ses anciens joueurs savent bien qu’il ne faut jamais l’interrompre, mais Mohamed Kaci-Saïd l’a osé : ‘’Cheikh, le penalty raté par Mahmoud Guendouz contre le Cameroun en demi-finale de la CAN 1984…’’ Khalef tente d’esquiver en expliquant que «contre le Real Madrid (que l’EN avait battu en amical au mois de mai 1982, 2-1), j’ai donné des consignes à l’hôtel avant d’aller au 5-Juillet qui était archicomble ce jour-là sur comment arrêter les penaltys, il m’a écouté. Hélas, en Côte d’Ivoire face au Cameroun (l’EN avait perdu aux tirs au but), il ne l’a pas fait.’’ Belloumi et Kouici insisteront sur le ratage de Guendouz, mais ils n’auront pas la réponse qu’ils avaient souhaité entendre.

Il justifie la non-sélection de Kaci-Saïd : ‘’Je demande pardon aux joueurs que j’ai lésés’’

Quand on est entraîneur, on est souvent poussé à faire des choix douloureux, encore plus quand lorsqu’il s’agit d’une participation à une compétition planétaire telle que la Coupe du monde. Avant d’aller en Espagne en 1982, Mahieddine Khalef était contraint de faire des choix. ‘’C’est toujours délicat de le faire, affirme-t-il, il n’y a pas que Mohamed (Kaci-Saïd) qui en a fait les frais. Il y a avait aussi Mahiouz (ancien joueur du MCA) ou Djadaoui, qui jouait à Sochaux qu’on n’a pas pris. Pour revenir à toi Mohamed, rappelle-toi quand tu es tombé malade, j’étais le premier à te rendre visite à l’hôpital. Ton père ammi Ramdane était un ami. Pour être sincère, on avait beaucoup de joueurs de talent. En club, pour jouer un championnat, on prend tout le monde parce qu’il y a une vingtaine de matches à jouer. Mais aller en Coupe du monde de surcroît pour la première fois de l’histoire de l’Algérie, il ne fallait surtout pas se tromper de choix. Je persiste à dire que j’ai fait ces choix en mon âme et conscience.’’ Gêné de n’avoir pas pris en Coupe du monde Mohamed Kaci-Saïd, qui avait participé aux éliminatoires, Khalef se culpabilise. ‘’Si j’ai fauté avec des joueurs en les lésant dans mes choix, je leur demande pardon.’’ Près de 40 ans après, il fait sa mea-culpa. La scène était vraiment émouvante car le bonhomme, qui était accusé à tort par certains anciens internationaux qui lui reprochaient de les avoir écartés injustement, vient pour la première fois de s’excuser auprès d’eux, même s’il a justifié ses choix. ‘’Je ne pouvais pas, se désole-t-il, faire autrement ; c’est toute une nation qui attendait l’équipe nationale pour sa première participation en Coupe du monde.’’  Kouici Mustapha, qui était dans la liste des 22 en Espagne, mais qui n’a joué la moindre minute, bien qu’il fût au top de sa forme, pouvait lui aussi reprochait à son ancien driver en EN de l’avoir ignoré, mais il ne l’a pas fait car à l’instar de tous les Algériens, il voue un grand respect à cet homme qui a marqué l’histoire du football national.