Pour le nouvel entraîneur du Mouloudia Faruk Hadzibegic, connu pour son franc-parler, le respect du maillot et la discipline du jeu sont sa devise pour réussir sa mission avec son équipe. Dans cet entretien qu’il nous a accordé dans le hall de l’hôtel à Ain Draham, il a parlé notamment des conditions du travail lors de ce stage, la préparation, sa stratégie de jeu, ses besoins pour le renfort de l’équipe et ses objectifs à court et long terme avec le Mouloudia. Il a aussi évoqué le fameux penalty qu’il a raté en 1990, en quart de finale de la Coupe du monde contre l’Argentine.
Que pensez-vous de ce stage à Ain Draham ?
La première chose, c’est d’abord un honneur pour moi de travailler dans ce grand club qui draine 11 ou 12 millions de supporters. Pour moi, le MCA est l’un des 15 meilleurs clubs au monde par sa popularité. Il faut que ce club prenne une autre dimension. J’ai constaté depuis que je suis là qu’il y a une grande volonté de la part des dirigeants du club dans ce sens. Il faut juste leur donner le temps pour que les choses soient bien faites et aussi de la patience pour atteindre cet objectif.
Et la préparation ?
Pour moi, les choses sérieuses ont commencé depuis le premier jour, bien avant d’arriver ici. En Tunisie, on est en train de poursuivre le travail que l’on a commencé avec mon staff. On est dans de bonnes conditions même si ce n’est pas le top. Le plus important à mes yeux, c’est la discipline, la rigueur et le sérieux dans le travail ; tout le monde doit s’impliquer, dirigeants, staff technique et joueurs.
Au Mouloudia, on vous compare à votre compatriote Vahid Halilhodzic sur le plan discipline…
Vahid est un frère ; on a joué ensemble dans l’EN de l’ex-Yougoslavie. Je n’étais pas surpris du travail qu’il a fait avec l’EN d’Algérie, car on a la même vision des choses. Il a réussi à qualifier l’Algérie au deuxième tour de la Coupe du monde, ce qui n’est pas une mince affaire. Par contre, je suis à mes débuts avec le Mouloudia, ce sont les supporters qui vont me juger à l’entame du championnat.
Ne ressentez-vous pas une pression puisque le club vise le titre qu’il n’a pas gagné depuis 2010 ?
Franchement, je ne ressens aucune pression. Si le Mouloudia n’a pas gagné de titre depuis 12 ans, c’est qu’il y a des raisons. Les dirigeants du club sont bien placés pour répondre pourquoi le Mouloudia n’a pas gagné de titre ; je ne peux pas me permettre de critiquer le travail de mes collègues qui sont passés par le club. J’ai une seule mission, à savoir que je vais tout donner. Je rassemblerai toutes les forces qui existent au MCA pour atteindre notre objectif.
Quel est l’objectif de ce stage ?
Notre objectif pendant ce stage, c’est de travailler la cohésion. Il ne faut pas oublier que l’équipe a été remaniée, elle a donc besoin de temps pour avoir cette cohésion. Pour cette raison, j’insiste sur la rigueur et la discipline dans le travail pour avancer vite afin que l’on soit prêt le jour J.
Est-ce suffisant de jouer seulement 2 matchs amicaux ici et 3 matchs en Turquie ?
Ce n’est pas le nombre de matchs qui est important. Jouer 2 ou 10 matchs, ce n’est pas ça l’important. Pour moi, mes joueurs doivent comprendre vite que le jeu collectif est le plus important pour notre réussite ; à partir de là, on peut dire que l’on est prêt pour le championnat. J’aimerais bien dire une chose…
Allez-y…
Quand je suis arrivé, j’ai beaucoup parlé aux joueurs. Je leur ai donné un exemple que tous les Algériens n’oublieront jamais, à savoir les 10 dernières secondes du match Algérie-Cameroun. Alors que les joueurs ont, une fraction de seconde, baissé la garde, la sanction est aussitôt tombée. Donc, bien que Belmadi, que je salue à travers votre journal, ait fait un excellent travail et que les joueurs aient même dominé leurs adversaires, l’EN a perdu. Autrement dit, la concentration et la discipline dans le jeu sont très importantes pour réussir. Il y a aussi une chose importante à signaler, c’est le respect du maillot de ce grand club et de ses supporters. Je ne tolérerai aucun manque de respect envers le maillot du club ou les fans. On doit tout donner du début jusqu’à la fin.
Peut-on connaître les dates des deux matchs et les noms de vos adversaires ?
On jouera le 1er et le 2 août contre deux équipes différentes. Pour nos adversaires, je ne les connais pas encore, on va confirmer prochainement.
Au Mouloudia, on dit que la direction du club a réalisé un bon recrutement…
Oui, tout le monde dit que c’est un bon recrutement, mais, c’est aux joueurs de le montrer sur le terrain. Cela passe par le sérieux dans le travail et surtout le respect du jeu collectif. Donc, on peut avoir les meilleurs joueurs du monde et si on ne respecte pas le jeu collectif, on ne fera rien.
Êtes-vous satisfait de votre
groupe ?
Il est trop tôt pour le juger, mais pour une première impression, j’avoue qu’il y a de la qualité. Ce qui nous manque, c’est la complémentarité dans le travail. Il faut que tout le monde comprenne que le jeu collectif passe avant tout.
Mais la concurrence sera très rude surtout au milieu du terrain…
La concurrence est une bonne chose dans une équipe, elle va permettre au coach d’avoir plusieurs choix. Ce qui est sûr, je ne ferai aucun cadeau. Seuls les meilleurs vont jouer. Je peux me tromper dans un choix, mais je ne léserai personne. Celui qui sera sur le terrain doit tout donner et le jour où je vois un joueur qui ne se donne pas à fond, il va passer au banc.
On a constaté un manque au niveau du poste d’avant-centre…
C’est vrai, on a des soucis pour le poste d’avant-centre. On a aussi besoin d’une sentinelle pour jouer devant la défense. Mais je sais que la direction s’attelle à chercher pour renforcer ces deux postes pour avoir
un équilibre dans les trois compartiments.
Qu’attendez-vous de vos joueurs ?
En plus du respect du maillot du club et du jeu collectif, je veux vous citer un exemple. Je ne suis pas un fan de Mourinho, mais quand vous voyez ce qu’il a fait avec Eto’o lorsqu’il était à l’inter de Milan où il l’a transformé en arrière gauche, alors que c’est un avant, là on lui tire chapeau. Respect à Mourinho et à Eto'o ! C’est ce que je veux de mes joueurs, il faut se sacrifier pour l’équipe.
On dit que vous êtes fan du jeu Liverpool…
Oui, je suis fan de Liverpool et aussi de l'Atletico de Madrid qui respectent le jeu collectif ; c’est ce que j’attends de mes joueurs à l’entame du championnat.
On vous a vu jouer avec deux systèmes différents ici lors des matchs d’application, à savoir le 3-5-2 et le 4-4-2…
Peu importe le système de jeu que l’on va jouer, ce qui est sûr, je vais choisir le meilleur où les joueurs s'exprimeront le mieux. Mon objectif est de donner aussi une identité de jeu à mon équipe. Il faut savoir choisir notre système selon les capacités de nos joueurs.
Le fait que le MCA ne joue pas au stade du 5-juillet, c’est un handicap pour vous ?
C’est un handicap pour nous et les supporters qui vont faire le déplacement pour nous voir. Mais on fera avec ce que l’on a en attendant notre retour au 5-Juillet, car jouer devant 70.000 et 10.000 ce n’est pas du tout pareil.
On vous a sûrement parlé du grand derby contre l’USMA, non ?
(Rire) Oui, avant même mon arrivée à Alger, mais pour moi, tous les matchs sont des derbies. Je sais que c’est spécial pour les supporters comme dans tous les derbies du monde. Notre objectif, c’est de rentrer sur le terrain pour gagner. Même lorsque l’on perd, on doit montrer à nos fans que l’on a tout donné. C’est ça le respect du maillot et des supporters.
Vous allez jouer dans de petits stades sur une pelouse en tartan contre certaines équipes, est-ce aussi un handicap ?
Sincèrement, je n’aime pas du tout jouer sur du tartan. Le football se joue sur du gazon naturel ; un grand pays comme l’Algérie où le football est le sport-roi doit avoir de beaux stades en gazon naturel. Jouer sur du tartan et le gazon n’est pas du tout pareil. Mais comme j’ai déjà dit, je vais m’y adapter.
Après ce stage de Tunisie, vous allez aussi entamer un autre stage en Turquie pour dégager l’équipe-type, n’est-ce pas ?
C’est pareil, on va continuer la préparation. Pour mon équipe-type, elle est déjà dans ma tête, mais personne n’a assuré sa place, car comme je l'ai déjà dit, je ne ferai aucun cadeau, le meilleur sera sur le terrain.
Comment avez-vous trouvé la vie à Alger ?
L’Algérie est un grand pays et je n’ai pas eu la chance de le visiter. Pour Alger, c’est une belle ville.
Un plat préféré ?
J’ai déjà pris quelques kilos depuis mon arrivée (rire) ; j’ai apprécié tout ce que j’ai mangé.
Et si l’on parlait du dernier penalty de Faruk ?
Je m’attendais à cette question, car à chaque fois que je suis interviewé, on me la pose, ça me fait plaisir d’en parler. J’étais responsable de ce penalty, je l’ai assumé et j’étais satisfait de la réaction de mes coéquipiers. C’est un geste technique que j’ai raté, comme dans le même match, Maradona, qui est un grand joueur, l’a raté. Il y a un livre écrit en trois langues intitulé « Le dernier penalty de Faruk ». Mais après ce penalty, on a mélangé sport et politique, ils ont commencé à dire que c’est le penalty de Faruk qui a provoqué la guerre de mon ex-pays. Pour la guerre, c’est une bêtise humaine, le sport a toujours rassemblé les peuples.
On vous remercie coach…
Tout le plaisir est pour moi. Je rajoute que je suis venu dans ce grand club de bon cœur, je ne sais pas si je vais rester un match, 10 matchs ou 3 ans. Mais ce qui est sûr, je vais tout donner pour procurer de la joie et du plaisir. J’aimerais dire aussi que les dirigeants ne doivent pas copier ce qui se fait ailleurs, car le meilleur exemple à copier ici, c’est chez le Paradou. Je profite de cette occasion pour saluer les deux frères Zetchi pour le gros travail qu’ils ont fait.
- Z.