La dernière sortie médiatique inattendue du ministre de la Jeunesse et des Sports El-Hadi Ould Ali pourrait avoir de lourdes conséquences sur le football algérien si celui-ci joignait l’acte à la parole.
Comme tout le monde le sait, la FIFA est très sensible aux questions d'ingérence politique dans le football. Prônant la séparation du football et de l'État, l’instance mondiale a, par le passé, fermement rappelé qu'elle n'admettait dans aucun pays que le pouvoir politique intervienne directement dans les affaires d'une fédération, faute de quoi, elle a menacé de sanctionner sévèrement lesdits gouvernements. Plusieurs pays en ont déjà fait les frais, le Nigeria, l’Indonésie et le Cameroun en sont les meilleurs exemples.
Que stipule le règlement ?
La réglementation de la FIFA stipule que toutes les fédérations membres doivent gérer leurs affaires de manière indépendante, sous peine de se voir bannies de la scène internationale. Sur le site de l’instance mondiale, la question du rapport juridique entre la fédération et l’autorité politique est abordée dans le troisième alinéa des missions du président. Il y est écrit que le président de la FIFA est responsable des relations entre la FIFA et les confédérations, les membres, les instances politiques et les organisations internationales, sans pour autant préciser les limites et les barrières à ne pas franchir. On remarquera que la FIFA reste vague et pas vraiment clair quand à ce sujet vu sa sensibilité, néanmoins, il existe des précédents dont on pourrait se servir pour mesurer le degré de gravité des dires du ministre El-Hadi Ould Ali. Ce qui s’est passé en France au lendemain de l’élimination des Bleus en Coupe du monde 2010 en est certainement le parfait exemple.
La FIFA a déjà fait plié Roselyne Bachelot et Sarkozy
Ce qui se passe actuellement en Algérie ressemble beaucoup à ce qui s’était passé il y a 7 ans de cela en France. Au lendemain de la défaite des Bleus face à l’Afrique du Sud lors du Mondial 2010 conjugué au scandale du bus… a fait réagir le président Nicolas Sarkozy. Dans le but de soigner son image auprès des Français, il a tenté de faire de la récupération en investissant sur l’échec des Bleus. Sur son instruction, Roselyne Bachelot, alors ministre des Sports avait carrément appelé à la démission du président de la Fédération française de football, Jean-Pierre Escalettes. L’affaire avait fait là une des journaux européens pendant quelques jours avant que la FIFA n’intervienne pour y mettre fin. Sepp Blatter, alors patron du football mondial avait chargé son secrétaire général Jérôme Valque de prendre le dossier en main. «S'il y a ingérence politique, on réagira… comme on le ferait dans n'importe quel pays du monde… J'ai informé le ministère des Sports français de la façon dont notre système fonctionne. Personne ne peut demander à quelqu'un de démissionner. Une personne est élue, si elle pense avoir failli, elle peut démissionner, mais on ne peut pas l'y obliger», a insisté Jérôme Valcke à une question relative aux déclarations de Roselyne Bachelot. L’ancien ami de Mohamed Raouraoua a ensuite clairement mis en garde le gouvernement français. «Sur tous les continents, on surveille toujours ce genre de situations et on rappelle aux gens comment la pyramide du pouvoir fonctionne. La FFF est sous la tutelle de la FIFA, on n'est pas inquiet mais on est attentif. On fait confiance aux gens pour ne pas se mettre dans une situation difficile». Dans la même période, le président de la FIFA a lui aussi rappelé à l’ordre Nicolas Sarkozy. «En France, ils ont fait du football une affaire d'État, mais le football reste entre les mains de la fédération», disait-il. Le gouvernement français a compris que sa marge de manœuvre dans le football est très réduite. D’ailleurs, Roselyne Bachelot avait par la suite reconnu qu'elle n'avait pas le pouvoir d'exiger le départ d'un président de fédération.
Y a-t-il ingérence dans notre cas ?
Parce que les responsables politiques français ont fait marche arrière et n’ont donné aucune suite à leur menaces, la FIFA a décidé de ne pas sanctionner la FFF, mais suivait quand même avec un œil attentive ce qui se passe en France, comme elle fait aujourd’hui en Algérie. D’ailleurs, et apprend que le président de la FIFA, présent dans la capitale gabonaise pour assister à la finale de la CAN se serait rapproché du président de la FAF pour lui demander des informations sur le dossier Algérie. Au moment où nous mettons sous presse, aucune réaction officielle ou communiqué de la FIFA n’a été enregistrée, néanmoins, on a appris d’une source sûre qu’Anfantino et son équipe sont attentifs à ce qui se passe chez nous. Ils peuvent éventuellement mettre en garde l’Algérie, comme ils l’ont fait avec la France, mais en aucun cas, ils ne pourront prononcer des sanctions tant que les paroles du ministre Ould Ali ne sont pas suivies d’actes.
Ce qu’ont risque en cas de passage à l’acte
Dans un passé pas très lointain, la FIFA avait suspendu avec effet immédiat la Fédération nigériane de football (NFF) pour ingérence gouvernementale. Sur le communiqué annonçant la sanction on pouvait lire ceci : … «Cette sanction fait suite aux actions en justice intentées à l’encontre de membres élus du comité exécutif de la NFF les empêchant d’exercer leurs fonctions et d’exécuter leurs tâches… à la demande de la Commission nationale des sports». Ceci prouve donc que la FIFA ne se contente pas de mise en garde et d’avertissements. Si la tutelle venait à décider de s’ingérer dans les affaires de la FAF, on risque exactement la même sanction écopée par le Nigeria, qui est l’interdiction pendant toute la durée de la suspension, de représentation dans aucune compétition régionale, continentale ou internationale, y compris dans les compétitions interclubs et lors de matchs amicaux de nos clubs et sélections. Aussi, et c’est important de le signaler, aucun membre ou officiel de la FAF ne pourra bénéficier de programmes de développement, de cours ou de formations dispensés par la Fifa ou la Confédération africaine de football (CAF).
Le fiasco est dans toutes les fédérations, pas seulement dans le foot !
A la lumière de tout ça, on pourra dire que du point de vue juridique, la tutelle ne peut rien contre Raouraoua, ni contre aucun autre membre élu des autres fédérations. Seules les assemblées ont ce pouvoir, sinon la démission des présidents en poste. Par ailleurs, et pour revenir aux déclarations du MJS, El-Hadi Ould Ali, on a envie de dire le désastre est monstre et certainement plus inquiétant dans les autres disciplines. Le judo, la boxe, l’athlétisme, le handball, le basquet-ball, le volley-ball et même le cyclisme algériens sont à l’agonie. Il se passe des choses graves dans ces fédérations, le fiasco lors des JO de Rio en est le parfait résultat. Pourquoi demander des comptes à Raouraoua et pas à Berraf et Brahmia ?