Gokhan Inler : «Mahrez est important, mais Petkovic misera sur les jeunes»

 

Gokhan Inler, l’ex-capitaine d’équipe de la Nati, s’est confié à Goal au sujet de son ancien sélectionneur Vladimir Petkovic, qui vient de prendre en main la sélection d’Algérie. Entretenu par goal.com, Gokhan Inler laisse entende que le nouveau patron des Verts «mise surtout sur les jeunes.»

 

Quels souvenirs gardez-vous de votre collaboration avec Vladimir Petkovic ? Que pouvez-vous nous dire sur cette expérience ?

Il est arrivé juste après Ottmar Hitzfeld. L’équipe de Suisse était déjà à un très bon niveau. A son arrivée, il avait déjà de bons joueurs à sa disposition. Il nous a qualifiés pour l’Euro 2016. J’étais avec cette sélection pendant ces deux premières années. Puis, il a effectué des changements et a décidé de rajeunir l’équipe. Il y avait beaucoup de cadres sous sa direction, mais il a choisi de lancer des jeunes.

 

Et entre son arrivée et son départ, pensez-vous que la sélection nationale suisse a fait des progrès significatifs ?

Si vous regardez, on a toujours été présents dans les phases finales. Cela dit, il a été le premier sélectionneur à nous qualifier trois fois de suite pour les grands tournois. Donc, disons qu’au minimum, il a su maintenir cette phase de succès. Et c’est important. On ne peut pas voir tout ce qui s’est passé à l’intérieur, mais à l’extérieur on constate que les résultats ont toujours été là. Ça compte dans le football. Et Petkovic avait son caractère, son style de jeu. On peut toujours faire mieux. Les joueurs y compris. Aujourd’hui, il est en Algérie et je pense qu’il peut réaliser de bonnes choses là-bas.

 

Quelles étaient les principales différences que vous avez décelées entre lui et Hitzfeld ? Aussi bien en terme de travail, de personnalité ou de préférences tactiques.

Pour moi, Hitzfeld est une légende. Ses résultats dans le football européen parlent pour lui. Il avait un caractère très calme. Avec son autorité, il imposait aussi le respect. L’équipe l’appréciait beaucoup. Il m’a aussi nommé capitaine. Parce que j’étais un bon relais. Vous savez au sein de la sélection suisse, on n’a pas que des joueurs « suisses ». C’est un mélange de joueurs de différentes origines. Des Suisses, des turcs, des albanais... J’étais le bon relais entre tout le monde. Et Petkovic, il avait plus un style « italien ». Que ça soit, au niveau de la langue ou dans le fait qu’il travaillait beaucoup l’aspect tactique. Son caractère ? Il avait cette passion et cette détermination pour gagner les matches. C’est aussi quelqu’un de calme. Qui observe beaucoup. Et encore une fois, il misait beaucoup sur les jeunes, qu’il faisait progresser.

 

Comment a-t-il fait justement pour se faire accepter auprès des joueurs alors qu’il n’avait pas les mêmes références, ni le même CV qu’Ottmar Hitzfeld ?

Il fait beaucoup de discussions individuelles, en face à face. Comme la plupart des coaches le font. Après, on était quand même une bonne équipe et qui jouait régulièrement les phases finales de grands tournois. Donc on a aussi fait en sorte qu’il puisse, lui aussi, « s’implémenter » à nous. J’ai envie de dire, que ce n’était qu’un changement de coach. Et c’est lui qui a ensuite, petit à petit, modifié l’ossature de l’équipe en se séparant de plusieurs anciens juste après l’Euro 2016.

 

Vous, personnellement, vous n’avez même pas pu faire cet Euro...

Oui, je n’ai pas pu le disputer car je ne jouais pas trop à Leicester. Lors de la fameuse saison du titre. Il m’a dit que c’était sa décision et que si je ne jouais pas beaucoup alors il ne pouvait pas me convoquer. Et il a toujours été clair sur ce sujet. Il planifie et reste fidèle à ce qu’il a mis en place.

 

Sur ce point-là, pensez-vous que Petkovic est quelqu’un qui est juste avec ses joueurs ? Et la décision de votre mise à l’écart a-t-elle été facile à accepter ?

Là, vous me mettez dans une situation embarrassante (rires)... Non, pour moi, c’est sûr que c’était très difficile à accepter. Parce que Leicester c’était un peu le tournant de ma carrière. J’étais dans une équipe qui est montée très haut en allant chercher le titre de champion d’Angleterre comme promu. Il m’a donc clairement dit que si mon temps de jeu est réduit il ne peut faire appel à moi. Personnellement, j’ai fait beaucoup pour la sélection nationale et c’est sûr que ça m’avait touché. Ne pas jouer l’Euro, c’était très douloureux. Mais c’est le football.

 

On peut dire que votre situation à l’époque est un peu comparable à celle qu’a Riyad Mahrez avec l’Algérie. Il n’est plus très jeune, il est le capitaine de cette sélection, mais ses performances sont sur le déclin. Pensez-vous qu’il peut encore apporter à ce niveau, et à son pays ? Et pensez-vous qu’il peut être d’un apport intéressant à Petkovic ?

Pour moi, et je parle de manière générale, les joueurs qui ont signé une belle carrière et qui sont encore physiquement aptes pour donner et jouer, ils doivent et ils peuvent rester dans leurs sélections. Peut-être pas tous les matches, car la dynamique et la rentabilité sont importantes. Et ça, je ne l’ai pas vu en sélection suisse à mon époque. Moi, par exemple, j’ai disputé quasiment tous les matches de qualification et il ne m’a pas pris pour la phase finale. Ne serait-ce que comme remplaçant. J’aurais pu y aller, car déjà je le méritais. Et je jouais en Premier League, je ne jouais pas en Championship. Et dans ce tournoi, vous pourrez vérifier vous-mêmes, il y avait d’autres joueurs qui ne jouaient quasiment pas en club et qui ont été utilisés par leurs sélectionneurs, comme Jakub Blaszczykowski (Fiorentina/Pologne) ou Bastian Schweinsteiger (Manchester United/Allemagne). Ils étaient titulaires. Schweinsteiger était même le capitaine de l’Allemagne. Donc, de mon côté, je pense que je méritais. Mais l’entraineur est le patron et c’est lui qui décide. Mais au final, j’accepte la décision et je ne peux rien dire de plus.

 

Vous pensez donc que les joueurs d’expérience et les leaders demeurent indispensables même s’ils sont sur le déclin...

Le tout est de trouver une solution qui arrange en quelque sorte les deux parties. Mahrez, par exemple, si on ne le convoque plus, ça serait dur pour lui. Par contre, si on lui dit « Mahrez, tu es important, mais je priorise les jeunes joueurs et c’est eux qui jouent. Mais, tu peux encore venir et apporter ce que tu sais faire sur 20 ou 30 minutes » alors c’est mieux. A mon humble avis, il est important de t’entourer de ce genre de joueurs. Mais je sais que le football peut parfois être cruel et quand c’est fini c’est fini, le joueur n’a pas son mot à dire.

 

Peut-être aussi parce que certains coaches se disent que les joueurs avec un statut particulier, tu ne peux pas trop les mettre sur le banc de peur que ça n’impacte l’atmosphère générale.

Oui, d’ailleurs, Petkovic m’a dit ce genre de choses. Que je suis le genre de joueur qui doit jouer et qu’à partir du moment où il m’écarte du onze, il ne peut me retenir avec un statut différent pour éviter que ça n’impacte le groupe. Mais, moi, encore une fois, ce qui a rendu la décision de la mise à l’écart difficile à accepter c’est que j’ai joué tous les matches de qualification et avec le brassard autour du bras. S’il avait voulu tout changer au début et repartir sur une page blanche, pas de souci. Mais à partir du moment où tu contribues pleinement à la qualification pour le tournoi et que tu n’es pas blessé, la logique c’est que tu participes au tournoi en question. Mais encore une fois, j’accepte. Je ne peux qu’accepter.

 

Vous avez parlé du fait que Petkovic parle essentiellement italien. N’était-ce pas un problème au sein de cette sélection suisse où il y a des joueurs de différentes origines, le fait d’avoir un entraineur qui ne parle pas anglais et parle très peu le français ?

C’est sûr que si un entraineur peut parler plusieurs langues, c’est un plus. En Algérie, il va avoir des traducteurs. Mais bon, le langage c’est important mais ce n’est pas ce qui fait la différence. Si tu arrives à traduire ta passion, et ta connaissance du football, c’est déjà une très bonne chose. Donc disons que si tu es limité dans ce domaine de la langue avec une équipe, alors tu dois compenser par d’autres aspects. Faire en sorte que ces qualités-là soient plus apparentes. Je parle de manière générale. Des traducteurs, il y en a partout. Mais il y a des points qui sont encore plus importants comme la personnalité, la relation avec les joueurs. Dans ce cas, les joueurs adhèrent facilement. Par contre, si tu n’as pas ça, tu as beau parler de très nombreuses langues, t’es « fini ». C’est ce que j’ai constaté et observé tout au long de ma carrière. Après, c’est sûr que si entre coach et joueurs, on parle la même langue, que c’est plus fluide, c’est toujours mieux. Disons que les compétences linguistiques sont donc importantes, mais ne pas être au point dans ce domaine-là ce n’est pas rédhibitoire.

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