La capitale marocaine a vécu une journée hors normes, hier, à l’occasion du match des Verts. Dès la matinée, le bruit, les chants et les couleurs algériennes ont envahi les ruelles et les grandes artères de Rabat, sous les regards étonnés - parfois amusés - des habitants.
Beaucoup ne s’attendaient pas à une telle marée humaine, déferlant soudainement sur leur ville. La présence algérienne s’était déjà fait sentir depuis quelques jours. Mais, hier, le mouvement a pris une toute autre dimension : des milliers de supporters ont convergé vers la capitale, souvent en provenance des villes voisines, notamment Casablanca, où beaucoup avaient choisi de séjourner pour profiter de prix plus abordables. Comme chaque matin désormais, le point de ralliement s’est situé au cœur de la médina historique. C’est là que les supporters chantent, dansent, improvisent des chorales géantes sous les caméras des journalistes. Le décor, pittoresque, attire autant les médias que les curieux : le facteur, l’agent de nettoyage, les policiers… tous observent avec attention cette ambiance devenue quotidienne depuis la fameuse vidéo filmée par ‘’Compétition’’ liée à la crise des billets, largement relayée sur les réseaux sociaux.
Mauvaise organisation
Il est midi. La foule grossit. C’est à ce moment que la Fédération algérienne de football contacte les médias présents à Rabat pour faire passer un message aux supporters dépourvus de tickets : un quota supplémentaire venait d’être récupéré «dans les arrêts de jeu». Consigne : se rendre immédiatement à l’hôtel Marriott, dans le quartier chic d’Agdal.
Le message circule à toute vitesse. Des familles exultent, des groupes s’organisent, c’est la ruée vers les taxis. L’espoir renaît.
Très vite, les abords de l’hôtel se remplissent. Des dizaines, puis des centaines de supporters se massent devant l’entrée. Les regards se tournent vers les fenêtres : les joueurs ne se montrent pas. L’incident récent impliquant Boulbina semble avoir servi de leçon. Les rideaux bougent pourtant - signe que, derrière les vitres, certains suivent discrètement la scène.
La police marocaine, visiblement soumise à une pression croissante, choisit d’éviter toute confrontation. Depuis le début de la compétition, son attitude envers les supporters algériens est plutôt exemplaire : calme, respectueuse, prudente.
Puis tout s’accélère. Un accompagnateur de la FAF apparaît, paquets de billets à la main. La foule pousse, force la barrière. La circulation s’arrête net. La confusion s’installe. C’est la débandade.
Des tickets déchiquetés
L’agent chargé de la distribution peine à contenir la foule. Chacun veut son billet. La procédure, improvisée, vire rapidement à l’attroupement incontrôlé. Des personnes chutent, des familles restent à distance, impuissantes. Quelques tickets se retrouvent même déchirés dans la cohue.
Avec un minimum de coordination avec les forces de l’ordre, un périmètre de sécurité, une file organisée… l’opération aurait pu se dérouler sereinement. Rien de tout cela n’a été anticipé. Et rien ne s’est passé comme prévu.
Déçus, frustrés, certains supporters prennent la direction du stade, espérant que, comme lors d’autres rencontres de cette CAN, les portes finissent par s’ouvrir au plus grand nombre. Sur place, les témoignages se succèdent : colère, tristesse, sentiment de gâchis. L’image laissée devant les caméras de quelques médias locaux n’a rien arrangé. Et tous s’interrogent : comment une telle scène a-t-elle pu se produire à l’étranger ? Heureusement, la météo a été clémente. Sous la pluie de la veille, l’épisode aurait pu tourner au drame. Au coup d’envoi, environ 9 000 supporters étaient déjà installés dans les tribunes. À la mi-temps, les portes se sont finalement ouvertes, permettant à près de 17 000 spectateurs de prendre place dans un stade dont l’architecture amplifie la ferveur. Une ambiance chaude, qui a porté les joueurs… jusqu’à la victoire offerte par Ryad Mahrez, pour conclure une journée aussi intense que chaotique.
S. M. A.





