Le 4-0 salutaire du Belge qui nous a permis davoir le Bosniaque
Le premier lien qui lie ces deux personnes, cest déjà que lun deux doit son emploi à lautre. Si Eric Gerets navait pas étrillé lAlgérie 4-0 à Marrakech un certain 4 juin 2011, la FAF, groggy, naurait jamais fait appel à un entraîneur étranger renommé pour reconstruire une équipe nationale qui était au fond du trou, car si Eric Gerets a commencé au top avec les Lions de lAtlas, avec une génération et une densité de joueurs sans précédant et une double confrontation face à lAlgérie, le grand rival, drivée par Benchikha, victorieuse si lon cumule les scores des deux matchs (0-1 et 4-0), avec une qualification pour la CAN 2012 à la clef, Vahid Halilhodzic héritait dune équipe lessivée et usée, en fin de cycle et quasi K.O après la défaite de Marrakech. Une équipe quasiment éliminée mathématiquement de la prochaine CAN qui devait être reconstruite physiquement, sportivement, moralement et surtout rajeunie, avec deux matchs à lextérieur en Tanzanie, et à domicile face à la République centrafricaine sans enjeu, mais quil fallait quand même gagner pour reconquérir le public et repartir de lavant.
Gerets avait un employé à temps complet chargé de son chien !
Eric Gerets a été désiré et recruté par les autorités de tutelle de la Fédération royale marocaine, à savoir le ministère de la Jeunesse et des Sports, qui a tout fait pour le faire venir. Du côté des autorités algériennes, on aurait préféré une option locale pour driver les Verts et cela se ressent. Lorsque Vahid Halilhodzic, soutenu et rémunéré par la seule FAF, aidée de ses sponsors, reçoit le minimum syndical pour un entraîneur de sa qualité, Eric Gerets lui a bénéficié le double du salaire de Coach Vahid, dune villa avec chauffeur et dun employé à temps complet chargé uniquement du bien-être du chien de Gerets.
Une vision différente du concept déquipe nationale
Même dans leur façon de manager leurs équipes, ces deux hommes sont différents, car ils ont une façon de voir les choses diamétralement opposée. Alors que lAlgérie ne dispose quasiment pas dinfrastructures et dun camp dentraînement digne de ce nom pour une équipe nationale, lune des premières décisions du Bosniaque, ex-international yougoslave et qui sait ce que le mot patriotisme signifie, est de faire revenir léquipe nationale au pays. Il décide dinvestir le centre de Sidi Moussa, qui était boudé par ses prédécesseurs, et décrète la fin des stages en Europe du type «La Manga Club», avec les résultats que lon sait, pour mettre une pression supplémentaire sur les joueurs et les mettre face à leurs responsabilités et au peuple quils représentent. Côté Gerets, on fait tout le contraire. Alors que le Maroc, futur organisateur de la CAN 2015 et double candidat à lorganisation de la Coupe du monde, dispose de toutes les commodités en termes dinfrastructures sportives, le head coach du Maroc décide de faire des stages en Europe, notamment pour la préparation de la CAN-2012 au Gabon, avec les résultats que lon sait, une élimination au premier tour. Même dans leur façon de gérer leur groupe, les deux hommes divergent totalement.
Quand Vahid marche sur leau, Gerets coule
Cest précisément cette différence de gestion des joueurs qui a fait décoller le Bosniaque parti du niveau zéro et couler le Belge qui était promis à un grand avenir avec son groupe talentueux. Vahid Halilhodzic, dès son arrivée, sest attelé à renouveler leffectif en lui donnant sa chance et les responsabilités aux joueurs les plus motivés, tout en laissant partir les joueurs usés ou pas prêts à sinvestir totalement pour les Verts, qui étaient pourtant pour certains des cadres inamovibles dans un premier temps. Gerets a décidé à juste titre de ne pas mettre le coup de pied dans la fourmilière qui mine le football maghrébin, et surtout le Maroc, à savoir les petits chefs et les différents clans basés sur des critères tels locaux vs expatriés ou même francophones, berbérophones, arabophones et néerlandophones, a conservé le statu quo de ses vedettes en essayant de ménager les différentes susceptibilités de ses joueurs. Pendant que Vahid bâtissait son groupe élargi de 33 joueurs en triplant tous les postes et en choisissant les meilleurs algériens à chaque poste quils soient locaux ou expatriés, Eric Gerets choisissait loption tout professionnel et «tout star», en appelant les noms les plus ronflants du football du Royaume, dont 75% avaient le même poste, à savoir milieu de terrain offensif, pour ne pas les froisser, en les faisant jouer à des postes différents quils occupent en club. Cest comme ça que Kharja, qui évolue en n°10 en club, a joué n°6 en sélection et ce nest quun exemple parmi dautres, laissant de côté des joueurs locaux spécialisés qui auraient pu faire mieux quun pro qui dépanne dans un poste qui nest pas le sien. Cela a eu la conséquence daffaiblir léquipe, pourtant si performante face à lAlgérie, et à la faire douter mentalement, surtout après la mauvaise CAN au Gabon, et qui a eu pour épilogue récent une défaite à Maputo 0-2 face au modeste Mozambique. Pendant que Slimani le local et Soudani le jeune professionnel faisaient chavirer les tribunes de Tchaker, les pros Taârabt et El-Hamdaoui étaient empruntés à domicile comme à lextérieur.
Gerets licencié, Vahid conforté dans son poste
Alors que Vahid Halilhodzic, récent vainqueur de la Libye (1-0), dans les circonstances que lon sait, sort renforcé de cette année à la tête des Verts, disposant de la confiance de ses joueurs, soudés et prêts à mourir pour lui, du peuple, et même des autorités qui lont définitivement adopté, nayant plus quà remporter la deuxième manche face à la Libye à Blida pour une «qualification référence» qui devrait avoir le même effet que le Algérie-Sénégal de septembre 2008, côté Gerets, la déception semble aussi grande que lespoir placé en lui à son arrivée, puisquil vient dêtre limogé par la Fédération royale marocaine qui aura un capital Maroc-Mozambique mi-octobre à gérer dans des conditions très difficiles, compte tenu du match aller.
Les chiffres parlent pour Vahid et enfoncent Gerets
Pour conclure ce passage au crible de ces deux pointures du coaching de football mondial, quoi de mieux que les chiffres et les statistiques pour confirmer ou infirmer nos perceptions les concernant. Nous allons mesurer les neufs dernières dates où les deux entraîneurs étaient assis sur leurs bancs respectifs en même temps. Sur les 9 derniers matchs, Eric Gerets na gagné que deux fois, a fait deux fois match nul et a perdu 5 fois. Vahid Halilhodzic a gagné 7 fois, a fait 1 match nul et na perdu quune fois. Alors que le Belge sest enfoncé, le Bosniaque a décollé.
M. B.