Ainsi donc, c’est en exclusivité que le keeper de notre équipe nationale a bien voulu nous donner ce long entretien à Kigali suite à la victoire face au Rwanda et la qualification au prochain tour. Raïs Mbolhi revient dans cette interview sur ses déboires cette saison, ses choix, mais aussi son aventure avec les Verts, estimant que le plus dur reste à faire.
- Deux victoires en deux déplacements, et à la clé, une qualification, beaucoup ne pariaient pas sur ce résultat ?
- Il est vrai que nous sommes très contents aujourd’hui, ce n’était pas gagné d’avance au vu des équipes qu’on avait en face. Mais je pense que nous avons vraiment bien travaillé pendant tout ce stage. Ces deux rencontres gagnées avec à la clé une qualification avant même le dernier match avec le nul du Mali face au Bénin, c’est mérité et ce n’est qu’une juste récompense.
- Vous faites partie à présent des cadres de cette équipe, puisque vous êtes là depuis la Coupe du monde. Avant, l’EN jouait à l’extérieur pour ne pas perdre, à présent, elle joue pour gagner, c’est vraiment une nouvelle mentalité ?
- C’est en grande partie dû au coach Vahid Halilhodzic. Ce dernier a changé beaucoup de choses depuis son arrivée. Voilà, aujourd’hui, nous avons une équipe nationale jeune qui prétend disputer une Coupe du monde qui serait la deuxième consécutive. Ce Mondial, on a tous envie d’y aller, et pour cela, ça passe par des victoires à l’extérieur.
- On a eu le sentiment que ce match face au Rwanda était beaucoup plus dur que celui du Bénin, avez-vous ressenti la même chose ?
- C’était difficile, parce que d’abord, il y avait l’euphorie de la victoire du premier match. Donc, il fallait faire redescendre un peu la pression. Le Rwanda, on l’a gagné chez nous à Tchaker, mais quand on va en Afrique noire, on sait toujours que c’est plus difficile…
- Justement, les Rwandais avaient à cœur de se racheter après le 4 à 0 infligé au stade Mustapha Tchaker de Blida…
- C’est tout à fait vrai, en plus, c’est une bonne équipe avec de jeunes joueurs, et comme je l’ai déjà dit, en Afrique, c’est toujours compliqué…
- Qu’est-ce qui était dur dimanche après-midi ?
Déjà, l’état d’esprit des Rwandais qui voulaient absolument nous battre. D’ailleurs, on les a vus très combatifs sur le terrain. Il y avait aussi la pelouse qui n’était pas bonne, et il faisait un peu chaud, même si maintenant, nous avons un peu l’habitude. En résumé, ce n’était vraiment pas un match facile.
- Depuis le début de ces éliminatoires, l’équipe a marqué 12 buts, c’est énorme, quoi ?
- Il est vrai que nous avons marqué beaucoup de buts et cela prouve que nous jouons bien et que nous développons du beau jeu. Il y a une nouvelle spirale qui s’installe et c’est vraiment bien, car c’est une équipe qui a du talent. A présent, il ne faut surtout pas s’enflammer, parce qu’on en est pas encore là.
- Justement, votre joie était mesurée, on a vraiment senti que vous avez conscience que vous n’êtes pas en Coupe du monde ?
- C’est tout à fait vrai. Là, on sort de deux matchs très importants et très compliqués, mais il faut toujours garder la Coupe du monde en ligne de mire, et tant qu’on n’y est pas, on n’a pas le droit de se relâcher.
- Revenons maintenant sur un plan un peu plus personnel. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce fut une année très difficile à gérer et cela depuis le début de la saison ?
- Franchement, j’en ai connu pire dans ma carrière…
- Mais depuis votre arrivée chez les Verts, c’est la première fois ?
- Je ne vais pas trop parler des détails du début de saison et ce qui s’est passé avec mon club russe, car, à présent, ce n’est pas très important. Il est vrai que les six premiers mois, je suis resté en Russie sans jouer, après il y a eu la CAN qui est arrivée et il fallait absolument que je joue. Donc, j’ai décidé de me faire prêter. Beaucoup ont critiqué ma décision en affirmant que je n’avais pas fait le bon choix. Mais, moi personnellement, je pense le contraire. J’ai 27 ans et il fallait que je joue. Donc, j’ai préféré jouer même dans une équipe qui n’était pas très bien embarquée. D’ailleurs, on est descendus à la fin, mais le plus important à mes yeux, c’était que j’ai du temps de jeu.
- Donc, vous ne pensez pas avoir fait le mauvais choix en optant pour le Gazélec Ajaccio ?
- J’aurais pu attendre après la CAN, mais j’ai préféré la prendre avant afin que je sois libéré pendant la compétition. J’ai joué et c’était ça le plus important. Après, les gens peuvent me critiquer, ça ce n’est pas grave.
- Avant même la fin de la saison, vous ne faisiez plus partie de l’effectif de votre équipe, que s’est-il passé au juste ?
- En fait, nous étions déjà condamnés, et donc, j’ai discuté avec les dirigeants en leur faisant savoir que j’avais deux matchs très importants à préparer avec mon équipe nationale et qu’il fallait que je me prépare de la meilleure des façons en mettant toutes les chances de mon côté. On est tombés d’accord et on m’a laissé rentrer sur Paris et je me suis préparé sur place.
- Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous avez essuyé beaucoup de critiques cette année, comment on fait pour gérer tout cela et ne pas succomber ?
- Il faut tout simplement rester le plus lucide possible et le plus posé. Personnellement, je suis de nature très calme et tranquille. Je suis resté simple, et le maître mot pour moi, c’est le travail.
- En fait, Vahid Halilhodzic, il vous a non seulement protégé, mais il a continué à vous faire confiance en continuant à vous titulariser ?
- Il est clair que c’est très important d’avoir l’appui du coach, et personnellement, j’ai à cœur de ne pas le décevoir en essayant de faire mon travail du mieux possible. L’équipe nationale, ce n’est pas un club, car si on a besoin de nous, on se doit d’être prêt tout de suite…
- A cet effet, d’ailleurs, le coach a toujours dit que vous faisiez attention pour ne pas prendre de poids et que vous étiez toujours étincelant durant les stages ?
- Comme je vous l’ai déjà précisé, le maître mot, c’est le travail. Moi, quand je me lève le matin pour aller à l’entraînement, c’est pour donner le meilleur de moi-même, en plus, en équipe nationale, j’ai la confiance de l’entraîneur, il faudra continuer sur cette lancée.
- Côté rwandais, il n’y a pas eu beaucoup d’occasions, vous avez répondu présent lorsqu’il y avait danger, pas de buts encaissés, c’est toujours une satisfaction ?
- Tout à fait, c’est très important pour la confiance de ne pas prendre de but. Même le reste de l’équipe se sent plus rassuré, mais encore une fois, ce ne fut pas un match facile.
- Peut-on dire que c’est le grand retour de Raïs qu’on a connu en Coupe du monde ?
- J’estime que j’ai toujours donné le meilleur de moi-même en travaillant bien aux entraînements. Mais pour ces deux derniers matchs, je souhaiterai juste souligner qu’avec l’arrivée de Mika, l’entraîneur des gardiens, tous les trois que ce soit Azzedine, Sofiane ou moi-même, nous avons vraiment beaucoup travaillé avec lui, et voilà, on est sur le bon chemin. Maintenant, il nous faut ramener la qualification.
- Comment on fait pour gérer un si long stage en fin de saison avec la fatigue, la routine qui s’installe et tout ce qui s’en suit ?
- Il est vrai que c’est très compliqué de passer des stages longs comme ça. Mais nous avons un groupe très jeune et tout le monde s’entend très bien que ce soit ceux qui jouent en Algérie ou ceux qui évoluent à l’étranger. Il y a vraiment aucun souci. En fait, on a un groupe saint et on vit très bien ensemble.
- Justement, on a pu s’en rendre compte lors de ce stage, notamment entre les remplaçants sur le banc et les titulaires…
- Malgré l’expérience négative de la Coupe d’Afrique, ce qui est ressorti de cet échec, c’est la solidarité dont le groupe a fait preuve. A mon avis, ça nous rendra encore plus forts pour la suite du parcours.
- Pouvez-vous nous parler un peu de votre avenir, comment ça va se passer pour vous la saison prochaine ?
- En fait, à l’heure où je vous parle, il me reste encore un an de contrat, donc, pour l’instant, je suis censé rentrer en Russie. Mais bon, moi, il faut que je joue, et il est absolument impératif pour moi que je trouve un club. Donc, on verra bien.
A. H. A.
- «Surtout, ne pas s’enflammer, ce n’est pas encore fait»
- «On n’a pas le droit de se relâcher»
- «Pire que cette saison, j’en ai connu dans ma carrière»
- «Beaucoup ont critiqué mon choix cette saison, mais il fallait absolument que je joue…»
- «… En fait, je n’avais pas le choix»
- «Comment faire face aux critiques ? Rester lucide et continuer à travailler»
- «J’ai la confiance du sélectionneur, j’essaye de la lui rendre sur le terrain»
- «De l’échec de la CAN, on est sortis un groupe soudé»
- «Avec l’arrivée de Mika, Azzedine, Sofiane et moi avons beaucoup travaillé durant ce stage»