Europe du sud : Le nouvel eldorado des Verts

Autrefois, pour des raisons historiques évidentes, de barrière de la langue, etc., le championnat de France était la destination première, naturelle, voire évidente des footballeurs algériens, où qu’ils soient. Qu’ils soient locaux comme Madjer, Assad ou Saïb ou bien fils d’immigrés comme Medjadi, Dahleb ou Kourichi, ils faisaient en général carrière en France.

Le problème, c’est que depuis Rafik Saïfi, rares sont les joueurs locaux, qui ont été transférés à l’hexagone, en première division ou dans un grand club de deuxième division qui joue l’accession. Il semble aujourd’hui, que c’est du côté de l’Europe du Sud que le footballeur algérien, avec raison, a décidé de migrer pour faire carrière

La France les a formés, certes, mais…

Pour ceux que l’on appelle les pros ou les expatriés, le constat est le même. Depuis les fracassants transferts de Nadir Belhadj à l’Olympique Lyonnais et de Karim Ziani à Marseille, des transferts sans lendemain où les joueurs n’ont jamais eu vraiment la confiance de leurs coachs respectifs, il n’y a plus eu d’Algériens dans un club majeur de Ligue 1. Le transfert de Foued Kadir à moindre coût, dans un Olympique de Marseille sans le sou ne pouvant pas être comptabilisé même si le club a fini vice-champion de France. Car on peut se demander si Kadir aurait été choisi dans un OM plus riche. Car même si au niveau de la formation des jeunes footballeurs algériens ou d’origine algérienne, la France, du fait de la grande communauté présente dans l’hexagone, reste numéro 1. Même devant l’Algérie où il y a pourtant beaucoup plus d’Algériens, il n’y a qu’à voir le nombre de joueurs formés en France qui sont actuellement en équipe nationale, c’est après cette formation que ça se gâte. C’est le passage de stagiaire pro à professionnel qui coince. Tant que l’Algérien a le statut d’espoir, tout va bien, mais dès qu’il faut franchir l’étape supérieure, rien ne va plus.

Frilosité des clubs français

On ne compte plus le nombre de jeunes joueurs d’origine algérienne annoncés à 17 ans comme les futurs Zidane et qui n’ont pas percé. Et même s’ils évoluent en Ligue 1, ils ne sont jamais transférés dans un club de Ligue 1 supérieur à leur club formateur pour franchir un palier, comme Marvin Martin de Sochaux à Lille par exemple. Est-ce par cliché, mauvaise réputation ou autre ? En tout cas, on sent une frilosité du côté des grands clubs français à enrôler des Algériens. Et même lorsqu’ils le font, ils ne leur donnent pas les mêmes clés pour réussir et la même confiance qu’à un Brésilien ou un Gourcuff par exemple qu’on laisse s’installer tranquillement. Il doit être performant de suite, sinon, il est écarté. Comment expliquer que malgré leur volonté affichée de rester en France, Boudebouz et Ghoulam n’aient que des propositions émanant de l’étranger.

Locaux ou expatriés, même cheminement

Vous pouvez interroger tous nos footballeurs «immigrés» et 90% vous raconteront un parcours du combattant après leur formation avec passage dans des clubs de troisième division pour percer en Ligue 1 à 26 ans. Comment Lens n’a-t-elle pas conservé Belhadj qui a été perdre son temps à Gueugnon ? Comment Kadir a végété 3 ans à l’AS Cannes ? C’est incompréhensible. Et dans cette affaire, les locaux ne sont pas mieux lotis. Comment expliquer qu’un joueur comme Hillal Soudani, qui après un Chan magnifique, fait un essai dans le modeste club du Mans et que l’essai soit non concluant. Le Mans n’est tout de même pas Manchester United ? Comment expliquer que seuls des clubs comme Guingamp, Evian, etc… s’intéressent à des Algériens ? Soudani et Belkalem n’auraient-ils pas pu faire le bonheur de Bordeaux, Lille ou Saint Etienne ? Demandez à Mostefa et Medjani les galères par lesquelles ils ont dû passer avant de signer à Ajaccio, en Ligue 1, certes, mais dans un des clubs les plus pauvres de France. Heureusement que l’Europe du sud est venue à la rescousse.

Djebbour sonne la révolte

Le premier talent qui a failli être gâché, c’est Rafik Djebbour n’étaient sa grinta et son envie de réussir qui l’ont fait s’exiler en Grèce avec le succès que l’on sait. Si Djebbour n’avait pas eu le courage de partir en Grèce, il ne serait peut-être pas le meilleur buteur de son championnat et un habitué de l’UEFA Champions League, mais peut-être un conducteur de bus. Idem pour son compère, libéré par le centre de formation d’Auxerre, Hameur Bouazza, qui a rebondi en Angleterre et Matmour, éconduit par Strasbourg et qui a réussi à devenir pro en Allemagne. Guedioura le «survivant» passé par les basses divisions, la Belgique avant de jouer en Premier League à la force de sa seule volonté. Et que dire de Mbolhi qui a dû faire un tour du monde pour réussir et jouer une Coupe du monde.

Le Portugal a été le précurseur

Car après une longue traversée du désert, le football algérien a fait repartir son moteur, qui était «calé» depuis les transferts de Bezzaz et Zarabi, joueurs qui ont entre parenthèses, aussi connu la galère. Et c’est grâce au transfert de Rafik Halliche au grand Benfica de Lisbonne que la machine est repartie. Même si le club l’a prêté au Nacional Madeira, il était parti du NAHD, pour signer au Benfica, un grand club, et a évolué en Liga Sagres portugaise, qui est devant la Ligue 1 française au classement UEFA. Dans le même temps, les dénicheurs de talents portugais sortaient Kamel Ghilas de son «bourbier» nommé AS Cannes, en troisième division française où Kadir et lui étaient largement au dessus du lot,  et lui permettait d’exploser pour devenir international. S’il n’y avait pas eu le Vitoria Guimaraes, Soudani aurait-il le niveau qu’il a actuellement et aurait-il signé un juteux contrat en Croatie ? Ou alors serait-il en Tunisie, dans le Golfe ou encore aux côtés de Messaoud à l’ASO Chlef ? Nabil Ghilas sans le Portugal, aurait-il été meilleur buteur du 5e championnat européen ou serait-il encore dans le modeste club de Cassis-Carnoux ? Le Portugal avec ses fins limiers dans le domaine du recrutement, qui ont permis de découvrir des talents cachés comme Deko ou Hulk pour une bouchée de pain, ont mis le pied à l’étrier à pas mal d’Algériens et ont permis à d’autres comme Rabah Madjer, qui végétait en France, il faut bien l’avouer, d’avoir un palmarès très étoffé.

L’Espagne a sauvé des carrières

Un autre pays a contribué à ce renouveau du football algérien, l’Espagne et sa fameuse Liga. Si des clubs espagnols n’avaient pas fait confiance à certains de nos footballeurs, notre équipe nationale serait amputée de trois ou quatre joueurs. Car celui qui est actuellement capitaine de l’équipe nationale est une valeur sûre de la Liga avec des passages réussi à Alaves, au Racing Santander et à Getafe où il côtoie à chaque journée des Messi, des Falcao et des Ronaldo, Mehdi Lacen a failli ne jamais faire carrière. Car après que son club de division 2 de Valence a déposé le bilan, le ratisseur de l’entre jeu des Verts n’a eu qu’une proposition en France, une place de footballeur amateur en 4e division avec un emploi de vendeur au smic dans un magasin de sport. Sans son essai concluant à Alaves, le monde du football de haut niveau n’aurait jamais connu Mehdi Lacen. Et que dire de Sofiane Feghouli, pris en otage par un club de Grenoble ruiné et trop petit pour lui, sans une signature pour le grand Valencia CF où il a pu, contrairement à d’autres, franchir le palier d’espoir à valeur sûre du football européen et des Fennecs. Que serait Brahimi, que Rennes qualifiait de perle et qu’elle voulait ni vendre ni faire jouer lui faisant perdre des mois sans temps de jeu sans un prêt in extremis à Granada ? Granada qui a relancé aussi Yebda et qui vient d’enrôler Belkalem via Udinese, sa maison mère. L’Espagne a joué un grand rôle dans la bonne santé sportive de nos joueurs.

L’Italie a ouvert les portes de ses grands clubs

Enfin, que dire de l’Italie ? Le pays d’où sont venues les plus grosses satisfactions en matière de mercato ces dernières années. Car s’il n’y avait pas eu l’Italie et sa politique de recrutement judicieuse, Abdelkader Ghezzal serait un joueur de troisième division française à Saint Priest et n’aurait jamais eu la carrière en Serie A qu’il a eue. Idem pour Djamel Mesbah qui a longtemps galéré avant d’atterrir dans la péninsule. Le duo Belfodil-Taïder, deux grands espoirs du football français, qui ont failli ne pas franchir le palier supérieur et ont été «sauvés» par Bologne qui leur a permis de briller à haut niveau pour exploser aujourd’hui. L’Italie a une mention spéciale dans son «algerian touch», car elle a permis aux joueurs algériens de sortir des clubs de seconde zone auxquels ils étaient cantonnés, même lorsqu’ils étaient très talentueux. C’est l’Italie qui a fait passer Mesbah de Lecce au Milan AC puis à Parmes, et Belfodil de Parmes à l’Inter si tout va bien et qui a permis à Taïder d’être convoité par les plus grands clubs

M. B.

 

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