Bougherra : «Belkalem peut s’imposer à Udinese»

Après une saison éprouvante qui s’est quand même bien terminée, Madjid Bougherra est parti en vacances avec sa petite famille pour se ressourcer et profiter un peu de la mer et du soleil avant la reprise. Joint par nos soins, hier dans l’après-midi, le capitaine de la sélection nationale a accepté malgré tout de répondre à quelques-unes de nos questions. Entretien.

- Enfin auprès de votre famille, enfin en vacances !

- Ah oui, enfin… La saison était longue et relativement pénible pour moi. C’est sans doute la pire saison de ma carrière. Je suis resté loin des terrains durant plusieurs mois, ce qui ne m’était jamais arrivé auparavant. Il m’a fallu autant de temps pour retrouver mon vrai niveau. Dieu merci, la fin de saison était très bonne. Qualifié aux quarts de la Ligue des Champions asiatique et se qualifier avec la sélection aux barrages après deux victoires à l’extérieur…je ne pouvais pas espérer mieux. Aujourd’hui, je suis en vacances l’esprit tranquille. Je profite !

- Ce bonheur n’est pas seulement à cause des résultats. Il y a aussi votre retour en force avec votre club et surtout en sélection, vous êtes redevenu le Magic !

- J’ai terminé très fort parce que j’ai travaillé très dur. Un joueur de mon âge et de mon expérience doit savoir gérer ce genre de crises, donc pour répondre à votre question, je dirai que oui, mon retour m’a rendu heureux parce que mes sacrifices, mes efforts et ma foi ont fini par donner des fruits.  

- Aviez-vous douté ?

- Non, jamais. Je n’ai pas douté une seconde. Je savais ce que j’avais et ce que je devais faire pour me remettre sur pied. J’étais aussi convaincu que le travail, le sérieux et surtout la patience allaient finir par payer. Douter était, je dirai, la pire chose qui pouvait m’arriver.

- On va dire que votre retour ne vous a pas fait du bien à vous et votre club seulement, mais aussi à la sélection, les deux victoires à l’extérieur c’est en grande partie grâce à vous, ne pensez-vous pas ?

- Etre d’accord avec vous serait prétentieux de ma part, mais je vous remercie quand même pour les éloges. Ça fait toujours du bien de voir et d’écouter les gens reconnaître vos efforts et vôtre mérite…néanmoins, je pense que les deux victoires arrachées au Bénin et au Rwanda sont le fruit du travail professionnel effectué par le staff technique et aussi de la solidarité et du talent des joueurs qui forment la sélection. Mon retour a peut-être fait du bien à l’équipe, mais le grand mérite revient au groupe, à tous ceux qui forment la maille EN, du président jusqu’au garde-matériel.

- Comment expliquez-vous donc cette métamorphose, ce changement après la CAN ?

- Il faut savoir que cette équipe est jeune, très jeune même. Il faut du temps pour former un groupe. Je dirai que la Coupe d’Afrique des nations a permis aux joueurs de s’aguerrir, de tisser des liens, de gagner en expérience. Souvenez-vous qu’après nôtre défaite à Marrakech, j’avais dit que c’était un mal pour un bien et ça s’est confirmé après. Il y a eu beaucoup de changements dans le fonctionnement de la sélection. Des changements qui ont permis à l’équipe de rebondir de plus belle. Et Bien l’échec lors de la CAN a eu le même effet. Dans certains cas, recevoir une gifle est la meilleure façon de se remettre en question et d’avancer. Voyez les résultats par vous-même.

- Vous aviez assumé admirablement bien vôtre rôle de leader, comment définiriez-vous cette tâche comparativement avec celle que vous aviez en 2009, 2010 ?

- Vous savez, les joueurs qui forment ce groupe sont de vrais nationalistes, des garçons de bonnes familles. Les jeunes sont très réceptifs et les anciens font de leur mieux pour les encadrer. Avec Halliche, Djebbour, Lacen, Mesbah et les autres anciens, nous prenons cette tâche avec plaisir. Ce n’est pas une corvée. On  fait le nécessaire pour décomplexer les nouveaux et j’avoue que ce n’était pas du tout difficile à faire. Les messages passent comme une lettre à la poste. D’ailleurs, pour appuyer ce que je viens de vous dire, je vous informe que le mois qu’on vient de passer ensemble est passé très vite. L’ambiance au sein du groupe était formidable, aucun incident, aucun dépassement…c’est pour dire qu’on vit bien et qu’on prend vraiment du plaisir à se regrouper et à venir en équipe nationale défendre le maillot et les couleurs.

- Restons sur cette métamorphose. Vous ne pensez pas que la venue de Taïder et Brahimi a été pour quelque chose dans les bons résultats réalisés par vos soins après la CAN ?

- Ils sont forcément pour quelque chose. Saphir et Yacine sont de très bons joueurs. Ils apportent leur technicité, leur fougue et leur jeunesse à l’équipe. Des joueurs tels que ces deux-là sont une bouffée d’oxygène pour tout le groupe.

- On a remarqué qu’ils ont été vite acceptés par le groupe. Est-ce grâce au coach ou est-ce le fruit de votre travail à vous les anciens ?

- Je dirai les deux. Le coach sait très bien comment faire pour aider les nouveaux à vite s’intégrer et les autres joueurs, pas seulement les cadres sont, comme je vous l’ai dit avant des gens bien qui ont accepté et accueilli les nouveaux à bras ouverts. Demandez leurs et ils vont vous dire qu’ils se sont sentis chez eux, en famille dès le premier jour.

- D’habitude, les nouveaux attendent un peu avant d’être mis dans le bain. Ce n’est pas le cas de Taïder et Brahimi. Le coach a pris un risque, ne le pensez-vous pas ?

- Un risque qui a donné ses fruits ! Le Coach a bien senti le coup et le temps lui a donné raison. Je suis en équipe nationale depuis 2004 et j’ai rarement vu des joueurs s’acclimater aussi rapidement aux conditions de jeu en Afrique. A voir jouer Taïder et Brahimi lors de ces deux derniers matchs on dira qu’ils y jouent depuis longtemps, alors qu’en réalité, ce fut leur première ! Avouez que c’est extraordinaire.

- Pensez-vous que cette équipe est capable de faire comme la génération des Ziani, Yahia Mansouri et les autres ?  

- Je pense qu’elle peut faire mieux et je vais vous dire pourquoi ; la génération dont vous parlez a duré dans le temps. Le groupe a commencé à se former en 2004 et il a fallu attendre six ans pour voir les résultats (demi-finalistes à la CAN 2010 et qualifié au Mondial 2010). Quand on voit l’actuelle équipe, on voit que le groupe avance plus vite. Les résultats sont immédiats. On est à un match de la Coupe du monde 2014 et on vient de prendre part à la CAN 2013. Quand on voit la moyenne d’âge de la sélection nationale actuelle, la qualité des joueurs, l’engagement de la FAF et le savoir-faire du coach et du staff technique, on ne pourra qu’être optimistes quant à l’avenir de cette équipe. Je pense qu’elle peut procurer beaucoup de joie au peuple algérien. Quand on voit un Nabil Ghilas, un Halliche, un Ghoulam et un Brahimi…sur le banc, on ne peut qu’être optimiste. Je dois dire qu’on n’avait pas ce banc de touche en 2010.  

- Parlons si vous voulez de votre partenaire dans l’axe central, Belkalem, qui vient de signer à l’Udinese. Comment avez-vous reçu cette information ?

- Que Belkalem signe à l’Udinese ne me surprends pas. Il a toutes les qualités pour jouer à ce niveau. Il le mérite. Essaïd a toujours été à l’écoute, il est très calme, il n’a pas la grosse tête, c’est un professionnel qui croit en le travail…En gros, il a ce qu’il faut pour devenir un grand défenseur. Ce que viens de réussir Belkalem doit encourager les autres joueurs locaux à faire comme lui, à suivre son chemin. Il est temps que le championnat algérien exporte des talents comme le font les autres pays africains.

- Pensez-vous que le calcio est un bon choix ?

- Oui, parfaitement. Comme je vous l’ai dit, Essaïd a tous les moyens pour réussir en Italie. Le calcio est connu pour l’engagement, le jeu défensif et la discipline tactique. Belkalem progressera dans ce championnat c’est sûr.

- Slimani aussi serait sur le point de partir en Europe, croyez-vous qu’il est prêt ?

- Islam a déjà prouvé qu’il était prêt à aller jouer dans un bon club en Europe. Il est prêt et il le sait. Lui aussi est sérieux et très à l’écoute. Il a une grande confiance en ses qualités et cela, je pense, pourra l’aider à vite s’imposer dans le club qu’il choisira.

- Vous aviez déclaré, il y a quelques mois, que vous allez raccrocher les crampons après le Mondial 2014, est-ce une décision définitive ?

- J’ai dit ça il y a une année et jusqu’à ce jour, je continu de penser que je ne n’irai pas au-delà de juillet 2014. Les jeunes ont besoin de places…

- Mais quand on voit votre niveau actuel, votre âge et surtout le poste dans lequel vous évoluez, beaucoup de spécialistes sont d’avis que vous pourrez jouer la CAN 2015

- J’ai 31 ans, et à mon poste de défenseur central, les joueurs continuent d’évoluer dans le haut niveau jusqu’à 35 ou 36 ans. Je me sens en forme et je sais que physiquement et mentalement je pourrai jouer la CAN 2015 au Maroc, mais comme je vous l’ai déjà dit, il faut savoir quitter la table et laisser sa place aux jeunes.

- Et si toutes ses conditions se réunissaient et que le coach vous demande de continuer…

- Tout est une affaire de mektoub. Si dans 2 ans, je me sentirai capable de continuer à rivaliser avec les jeunes. Si le coach me demande de rester pour aider, je ne pense pas que j’aurai le courage de lui dire non. Je n’ai jamais tourné le dos à la sélection et ce n’est pas à cet âge-là que je vais commencer…

- Allez-vous rester à Lekhwiya ?

- Oui, je reste à Lekhwiya. On a un quart de finale de la Champions League asiatique (le 20 août prochain) à préparer.

- Avez-vous une préférence pour l’adversaire des barrages ?

- Non, on est prêts à affronter n’importe quelle équipe.

- Merci de nous avoir accordé cet entretien en pleines vacances…

- Merci à vous.

A. B.

 - «Il est temps que Slimani quitte l’Algérie»

- «Taïder et Brahimi se sont intégrés de façon spectaculaire»

- «Cette équipe peut faire mieux que celle de 2010»

 - «Je n’ai jamais douté de mes qualités»

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