Puisque nos confrères du journal français l’Equipe lui ont consacré une longue interview où Ishak parle de son passé, de son présent et de son avenir. Il est bien loin le temps de la saison 2011-2012, où le jeune Algérien, profitant d’une cascade de blessures chez les attaquants lyonnais, faisait ses début en Ligue 1 française, dans un total anonymat, se permettant même de passer dans les zones mixtes sans que personne l’apostrophe en lui tendant un micro, même en Ligue des champions. Aujourd’hui, il est pensionnaire de l’Inter de Milan de Massimo Moratti et les journaux se l’arrachent pour tout connaître de sa vie. Nous vous proposons un florilège de cet entretien, que le «Ibrahimovic Fennec» a accordé à notre confrère Emery Taisne.
«Signer à l’Inter, je ne m’arrête pas à ça»
Répondant à la traditionnelle question concernant la promptitude de sa signature à l’Inter de Milan, un très grand club. Après seulement 18 mois de présence en Italie, et un départ pour Bologne qui ne s’est pas fait dans les meilleures conditions, l’ancien Lyonnais a répondu : « J’avais ce rêve, et c’était un objectif. Mais aussi tôt ? Dans un si grand club ? Non. Franchement, c’est beau. Le jour où j’ai signé, j’étais ému, mais il ne faut pas s’arrêter à ça. Dès le lendemain, c’était oublié, et je me suis mis au travail. »
« Benzema et moi sommes Lyonnais et Algériens »
Ishak Belfodil à la deuxième «question bateau» le concernant, à savoir la comparaison avec Benzema. Surtout depuis que son président, Massimo Moratti, a remis cette comparaison au goût du jour. Le président de l’Inter qui avait, souvenons-nous, soutenu cette comparaison avec l’attaquant du Real Madrid, pour justifier l’achat de la moitié de Belfodil pour dix millions d’euros + Cassano. Belfodil étant désormais en copropriété entre l’Inter et Parme. L’Algérien, rompu à cette question, s’en est encore bien sorti en déclarant : «C’est un beau compliment, ce n’est pas la première personne qui me le dit. Ça signifie que dans mon jeu, il y a des trucs qui plaisent. Maintenant, je ne m’attarde pas trop là-dessus. Avec Karim, on est tous les deux passés par Lyon, on est d’origine algérienne... Tu fais deux ou trois beaux trucs et, tout de suite, on te compare. Je ne vais pas dire que j’y suis habitué, mais…»
«Il ne faut pas croire que Belfodil = Cassano + 10 M€ »
Avec la modestie qui le caractérise, Ishak Belfodil a tenu à désamorcer une polémique née au lendemain de son transfert. Car l’Inter avait acheté « sa moitié » 10 millions d’euros + l’attaquant international italien Cassano. Belfodil a tenu à remettre les choses au clair par rapport à sa valeur, lui, un tout jeune joueur et Antonio Cassano en donnant l’explication de cette transaction, basée plus sur un souci d’économie que sur la valeur intrinsèque des joueurs.« Oui, moi-même, ça m’a surpris. Mais il ne faut pas croire que Belfodil = Cassano + 10 M€. Il avait un gros contrat, et ça a permis à l’Inter de libérer de l’argent. Mais il a une plus grosse valeur que moi.»
«En janvier, l’AC Milan et la Juventus s’étaient déjà renseignés sur moi»
Ishak Belfodil a tenu, tout de même, à une question relative au recrutement d’attaquants « star » dans les autres clubs majeurs de Serie A, des attaquants plus prestigieux que lui sur le plan du vécu et du palmarès, a justifié sa présence, totalement méritée selon lui. Expliquant que si l’Inter l’avait recruté, c’est qu’il avait quand même des qualités, il en a profité aussi pour égratigner la France du football, qui, contrairement à l’Italie, ne fait pas confiance aux jeunes joueurs et les cantonne souvent aux seconds rôles. «Tous ces clubs ont fait un recrutement de premier choix. Mais je suis très content d’être responsabilisé. Et puis, ce n’est pas parce que ce sont des grands joueurs que ça va être facile pour eux. La Serie A est un championnat difficile auquel il faut s’adapter. Ils vont aussi être surveillés (…) En France, ça peut choquer, mais, en Italie, ça va assez vite. Si tu es un jeune prometteur, les clubs sont prêts à miser sur toi. En janvier, l’AC Milan et la Juventus s’étaient déjà renseignés sur moi.»
«Lyon ? Je n’en veux à personne là-bas»
Profitant de cette allusion à son passé lyonnais, notre confrère de l’Equipe a abordé le départ de Belfodil de l’ex- capitale des Gaules, Lyon, dans des conditions difficiles, puisque l’Algérien quittait son club formateur en plein mercato hivernal pour une destination, alors inconnue, Bologne. L’Algérien a raconté son départ, sa difficile adaptation à l’Italie et son explosion à Parme. Il a déclaré sans amertume aucune : «Oui, un peu. En rejoignant Bologne, j’ai pris un gros risque, mais j’y ai cru. A Lyon, tout le monde me disait qu’il croyait en moi. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas eu d’actes qui allaient avec les mots. A la fin, je n’avais presque plus de temps de jeu. Malgré tout, je n’en veux à personne là-bas. Je ne suis pas rancunier (…) J’ai encore beaucoup de choses à améliorer dans mon jeu. Parme, c’est simplement le premier club qui m’a fait jouer toute une saison en pro. C’était la première fois que les gens voyaient vraiment ce que je pouvais faire. »
« C’est sur le terrain que mon avenir à l’Inter se jouera »
Abordant enfin son avenir, en répondant à une question relative à ses ambitions pour la saison qui va bientôt débuter, l’Algérien, qui a grandi à Trappes, dans les Yvelines, en région parisienne, mais qui a été formé à Clermont Foot, puis à l’Olympique lyonnais, a encore donné à son vis-à-vis une leçon de maturité et de lucidité. Ishak Belfodil a répondu à la question tout en montrant du respect pour ses aînés nerazzurri : «Non, non. Mon seul objectif, c’est de gagner du temps de jeu parce que si tu es sur le banc, tu ne peux rien faire. Aujourd’hui, je pense que (Diego)Milito et (Rodrigo) Palacio partent avec de l’avance. Après, c’est sur le terrain que ça se décidera.»
Voilà pourquoi Lyon l’a laissé partir
Nos confrères de l’Equipe, pour compléter cet entretien avec Ishak Belfodil, ont tenu à répondre à la question que toute l’Italie et toute l’Algérie se posent ; à savoir : «Comment l’Olympique Lyonnais a-t-il laissé partir Belfodil ? » Qui mieux pour répondre à cette question que Rémy Garde, l’ancien directeur du centre de formation du club sextuple champion de France, et qui avait été cherché personnellement Belfodil à Clermont Foot. Un Rémy Garde un peu aigri quand même par le départ de l’Algérien qui a déclaré : «Il m’a fait souvent penser à l’attaquant norvégien John Carew : puissant au démarrage malgré sa grande taille, 1,92 m, physiquement impressionnant, une grosse frappe de balle… Mais il avait aussi besoin de progresser dans la compréhension du jeu et la relation avec les autres (…) Il avait du talent, et c’est d’ailleurs pour ça que devant l’insistance du joueur qui voulait partir, j’ai préconisé qu’il parte en gardant une plus-value sur un prochain transfert. (…) Il faisait partie de ces joueurs très talentueux qui estimaient qu’ils n’étaient pas traités comme il le fallait. Le fonctionnement avec lui n’a pas toujours été limpide. (…) S’il avait changé sa mentalité, il aurait été capable d’évoluer. Il a signé à l’Inter de Milan, tant mieux pour lui. » On sent une pointe d’amertume et d’aigreur chez Rémy Garde et l’Olympique Lyonnais, quelque peu « mauvais joueur» sur le cas Belfodil. Car partir pour l’Italie aura été la meilleure décision de l’Algérien pour sa carrière et les statistiques le prouvent.
France - Italie, Belfodil par les statistiques
Car il faut l’avouer, il n’y a pas photo entre la carrière de Belfodil en France et de l’autre côté des Alpes. De 2009 à Janvier 2012, et alors que l’attaquant vedette de Lyon, l’Argentin Lisandro Lopez, était souvent blessé, Belfodil n’a disputé que 10 matchs en Ligue 1, dont beaucoup de bouts de match. Alors que depuis son arrivée en Italie, en janvier 2012, il y a 18 mois, l’Algérien a disputé 41 matchs, 7 avec Bologne et 33 avec Parme, en inscrivant 8 buts. Des statistiques qui ont véritablement explosé en Italie et qui traduisent le problème qu’a la France, pays qui a l’une des meilleures formations au monde, qui forme nombre de grands joueurs, mais qui a du mal à leur faire confiance pour les faire passer d’espoir à senior.
Mohamed Bouguerra