Deux jeunes, Sofiane Azib et Sifeddine Derghoum, des mordus de l’USMA, ne savaient pas que leur virée au complexe olympique allait être la dernière. Ayant décidé d’aller suivre les leurs comme de coutume, les enfants d’El Afia, à Kouba, ont pris le chemin du stade sans savoir pour autant qu’ils allaient revenir dans des casiers. En effet, l’impensable s’est produit, les deux supporters ont été victimes d’une chute mortelle de plusieurs mètres qui leur a coûté la vie. La raison ? L’effondrement d’un morceau de la tribune n° 13 du temple olympique. Transportés d’urgence au CHU de Beni Messous, le premier allait succomber à ses blessures en cours de route et le second le rejoindre quelques heures plus tard. Cette tragédie a ému tout le monde, leurs voisins et amis de la cité ont tous pris la direction de l’hôpital pour s’enquérir de l’état de santé des blessés. Il était 22h30 quand nous sommes arrivés sur place et il y avait du monde devant l’entrée des urgences. Des jeunes qui attendaient patiemment des informations concernant les leurs. Finalement, c’est à minuit passé que la nouvelle est tombée. Sofiane est décédé, succombant à des blessures importantes dues à sa chute. Le climat devient tendu et les larmes et cris fusent de partout. La cité El Afia venait de perdre ses deux enfants d’un seul coup. Les parents des victimes n’arrivent pas à y croire. La maman de Sifou, comme on le surnommait, est emmenée en urgences chez le médecin car elle venait de faire un malaise. Triste sort pour ces deux garçons à la fleur de l’âge.
Leurs amis racontent leurs derniers moments
C’est un ami commun des deux défunts qui s’est présenté devant nous pour répondre à nos questions : «C’était deux bons vivants, ils adoraient charrier les copains et faire des blagues tout le temps. Ils ne fumaient pas, ne buvaient pas. Ils avaient une drogue, l’USMA.» Avant de continuer : «Lorsque nous sommes arrivés au stade, nous avons pris place dans la tribune n°18, on était tous ensemble, les enfants du quartier. Lorsque la seconde mi-temps a commencé, ils ont eu froid, ont décidé de se déplacer et prendre place dans la tribune maudite. Après, nous n’avons pas su de suite, on nous a informés qu’ils étaient à l’hôpital. C’est là que nous nous sommes dirigés. On nous avait dit qu’ils étaient morts bien avant, et les médecins nous ont caché la vérité, nous affirmant que Sifou était toujours dans le bloc opératoire.» Même son de cloche chez Ameur : «Je n’arrive toujours pas à y croire, c’était des garçons de bonne famille. On a grandi ensemble, lorsque la nouvelle nous est tombée dessus, on n’a pas pu résister car c’était nos frères qui étaient morts dans ce stade. Il faut que les responsables de cette tragédie en paient le prix, on ne se déplace pas au stade pour mourir mais pour se défouler et s’extérioriser. Que Dieu ait pitié de leur âme et qu’Il les accueille dans Son vaste paradis.»
Des conditions de vie difficiles
Sofiane et Sifou étaient issus d’un quartier populaire et y vivaient depuis leur tendre enfance. Le premier nommé, 26 ans, voyait son père souhaiter le marier, et lui faire le cadeau dont il rêvait. Son père, Ibrahim Azib, lui avait acheté un appartement pour qu’il vive avec sa future femme. Cependant, cela n’arrivera jamais. Le petit a rejoint son créateur, laissant un grand chagrin chez ses parents, perdus de voir leur chair et leur sang mourir si jeune. Quant au second, il avait 21 ans et avait déjà perdu un frère dans un accident de la circulation. Il vivait dans des conditions vraiment difficiles. Une chambre pour quatre personnes. Alors, pour faire de la place à son jeune frère Réda, il choisissait de dormir dans la voiture et ne pas gêner le reste de sa famille. Ismaïl, son voisin, en est témoin : «Chaque jour, je le voyais endormi dans la voiture, histoire de laisser la place à ses parents et à son frère. Pour lui, aller au stade était une occasion pour oublier les difficultés de la vie. Il trouvait en les déplacements avec son équipe de cœur une échappatoire à son quotidien. Sa mère a exercé 35 ans dans l’enseignement et n’a pas eu la chance d’avoir un domicile digne de ce nom. Regardez où ils vivent, pouvez-vous vivre là-dedans ? Il faut que tout le monde soit puni pour nous avoir enlevé nos deux enfants.»
15h30 : les dépouilles arrivent
Présents dans le quartier d’El Afia, on nous informe de l’arrivée des deux jeunes. Très vite, la foule grandit et tout le monde veut lancer un dernier regard aux amis qu’on ne reverra plus jamais sourire, ni charrier les autres. Un climat de peine s’installe et tout le monde est en pleurs. C’est l’heure de rejoindre la mosquée avant de les accompagner à leur dernière demeure.
Un enterrement chargé d’émotion
Après la prière, les deux dépouilles ont effectué le chemin du quartier au cimetière de Benomar. Leurs amis et voisins ont décidé que cela se ferait à pied, histoire de marquer le coup. C’est vers 17h30 qu’ils sont arrivés sur place. Un grand nombre d’amis, de proches et même des inconnus étaient présents pour montrer leur solidarité et leur compassion envers leurs frères de sang. L’enterrement s’effectue, l’émotion a plané sur ce rituel et tout le monde est en pleurs. Ainsi prit fin la vie de deux jeunes qui n’avaient rien fait de mal sauf d’aller au stade pour encourager les leurs. Quant au 5-Juillet, il n’a pas fini de compter ses victimes. Il faudrait y songer sérieusement et fermer cette enceinte, devenue un instrument de mort. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.
I. Z.
Rebouh Haddad : «J’aurais préféré perdre le match plutôt que perdre nos enfants»
C’est un vice-président de l’USMA très ému qui s’est présenté au domicile des victimes pour présenter ses condoléances. Plus qu’un geste de soutien, il a promis d’aider les deux familles : «Franchement, on voulait que ce match soit une fête, pas un drame. J’aurais voulu perdre le match et ne pas voir mes enfants mourir. Je promets d’aider les deux familles. La recette leur reviendra directement. Quant au jeune Réda (frère de Sifou), il peut venir dès demain pour commencer à travailler pour moi. Il est libre de choisir le lieu de son travail, soit au stade de Bologhine, soit avec moi. J’en fais la promesse. Je suis très triste pour ces deux garçons. Il faut prier pour eux.»
Allik : «Il faut tout revoir»
Pour sa part, le président du CSA/USMA, Saïd Allik, n’a pas raté l’occasion de venir exprimer son soutien le plus total aux familles des victimes. Invité à nous donner son avis sur ce malheur, il a avoué : «Il faut que la stratégie soit revue. Tout le monde est responsable de cette fin tragique. La commission d’homologation des stades n’a pas fait son travail. Elle s’est déplacée au stade, a vu les vestiaires et le terrain et a donné son feu vert. Des stades comme le 5-Juillet, le 20-Août et Bologhine doivent être fermés. Ce n’est pas comme ça, regardez où nous en sommes à présent. Je compatis de tout cœur avec les familles des deux défunts.»
Boumella (Pdt/MCA) : «Nous sommes attristés par ce malheur»
Pour sa part, le président du Doyen, Boudjemaâ Boumella, a fait le déplacement au domicile des deux victimes : «Nous sommes tous tristes par ce qui est arrivé à nos enfants. Le match devait être une fête du football, pas une tragédie. Je compatis avec les familles et je leur dis de tenir bon. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.»
Gasmi, Zemmamouche et Ferhat présents
Trois joueurs de l’effectif usmiste étaient présents lors de l’enterrement de Sofiane et Sifou. Il s’agit du portier Zemmamouche et du duo Ferhat et Gasmi. Les concernés sont venus exprimer leur soutien aux familles dans ces moments difficiles.
Mustapha Berraf aussi
Le président du Comité olympique, Mustapha Berraf, était lui aussi présent aux obsèques.
Le Premier ministre Sellal a dépêché un émissaire
Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a tenu à montrer que le gouvernement n’a pas oublié les deux jeunes défunts. En effet, il a dépêché un émissaire, arrivé avec Rebouh Haddad, pour présenter des condoléances officielles aux deux familles. Accosté par nos soins, l’homme nous a dit : «J’ai fait mon travail. Le Premier ministre m’a donné comme mission de transmettre des condoléances officielles. D’ailleurs, les préoccupations des deux familles seront prises en compte par le ministre, je veillerai personnellement à les lui transmettre.»
I. Z.