Frédéric Basire, son entraîneur à Dunkerque, ne s’en cache pas : il n’aurait pas misé sur une progression aussi vertigineuse : «Il avait des qualités intéressantes. Je me disais qu’il pourrait faire un joueur d’une bonne nationale. Et, ensuite, attraper une Ligue 2. Mais ce serait mentir que de dire que j’aurais mis un billet de 100 € sur ce qui se passe, aujourd’hui.»
Quand Nabil Bentaleb a mis les pieds au nord du Nord, c’était faute de mieux. Le LOSC ne l’avait pas gardé, ni Mouscron. On m’avait dit : «Ne le prends pas. Il a des comportements inacceptables. On arrivait en 17 ans nationaux, continue Frédéric Basire. Quand on est à Dunkerque, on est obligés de faire des coups, entre guillemets. Con comme je suis, je l’ai pris…»
«Sa réussite, c’est d’avoir su faire évoluer sa mentalité»
L’histoire dunkerquoise n’a duré qu’un an. Elle n’a pas été un long fleuve tranquille. «Il n’a jamais manqué de respect, mais il avait des sautes d’humeur. C’est le gamin de 16 piges, qui, un jour, a décidé qu’il ne voulait, par exemple, pas défendre. Mais il était attachant».
Frédéric Basire a su manier la chèvre et le chou. «Il a mis du temps pour adhérer chez nous, trois, quatre mois. J’ai été obligé de m’adapter tout en gardant une ligne de conduite. Parfois, t’es obligé de fermer les yeux sur des choses qui t’irritent. Au fond de toi-même, tu sais que ça a peu d’importance. Sa réussite, c’est d’avoir su faire évoluer sa mentalité, prendre le bon wagon.»
Comment Nabil Bentaleb est-il passé de Dunkerque au centre de formation du club anglais ? On peut penser que son agent, Madjid Yebda, a dû être bon aussi, sur ce coup-là. Car trouver une porte d’entrée à Tottenham à un joueur pas retenu par le LOSC, talentueux, mais pas non plus au-dessus du lot avec Dunkerque, tient de la performance.
Le rêve d’un môme lillois
Le milieu de terrain s’est en tout cas épanoui en Angleterre. Il a su étaler son potentiel avec l’équipe réserve des Spurs. Et il a découvert le grand monde, à la fin de l’année. Nabil Bentaleb est apparu à huit reprises (543 minutes jouées) avec l’équipe première, cette saison. Il s’en souviendra, le môme lillois. Des oppositions face Arsenal ou Manchester City, ça doit marquer. Tenir aussi du rêve quand on participait encore au tournoi de Coudekerque-Branche, au printemps 2011 (notre photo). La trajectoire semble simplement improbable.
L’ex-Dunkerquois a paraphé un contrat professionnel avec Tottenham jusqu’en 2018. Pour l’instant, l’USLD, qui a signé sa lettre de sortie, n’a pas touché un centime du club anglais. Dunkerque attend encore, malgré des demandes auprès de la FIFA.
Frédéric Basire, lui, se souviendra d’un message de son joueur. «Quand il est parti pour Tottenham, il m’a envoyé un texto qui fait chaud au cœur à tout éducateur. Il m’a remercié d’avoir su le comprendre, lui parler». Le technicien nordiste termine : «Il était pétri de qualités, un peu mal dans sa peau. Il a explosé là-bas. Mais ça arrive une fois sur 1 000 l’histoire de ce gamin.»
In la voix du Nord