Dossier : Afflux des émigrés sur le championnat national

Pour promouvoir le football algérien ou pour se servir de l’aisance financière ?

Le football algérien connaît depuis quelques années l’arrivée de joueurs algériens établis à l’étranger. Une tradition qui commence à peser sur la configuration du football algérien dans la mesure surtout où leur afflux s’accroît constamment. Pour cette saison seulement et en s’appuyant sur les effectifs des clubs de Ligue 1 et de Ligue 1 rendus publics par la Ligue de football professionnel au début de l’année en cours, l’on enregistre pas moins de 33 joueurs qui se produisent dans les 32 clubs professionnels. Soit un 1,03 joueur par club en moyenne. Leur présence dans le championnat national se fait de plus en plus ressentir. Les deux périodes des transferts (estivale et hivernale) alimentent continuellement le championnat algérien de joueurs issus de la communauté émigrée. Certains d’eux parviennent même à briser l’anonymat et se découvrir au grand public comme en tant que joueurs de grande valeur. Issus de différents centres de formation, les émigrés « importés » par nos clubs sortent de l’anonymat. Le championnat algérien devient alors un précieux tremplin pour eux. Ils se permettent même le luxe de gagner une place en équipe nationale, ce qui leur permettra d’améliorer leur valeur marchande.

Quelle incidence sur le foot algérien ?

Après des années de présence en championnat national, les observateurs se posent désormais la question suivante : quelle est l’incidence de l’injection des émigrés dans le système footballistique national ? Le niveau du championnat national demeure en deçà des aspirations du public. Rares sont, en effet, les rendez-vous du championnat empreints d’un bon niveau. Comparativement au niveau des matches quand le football algérien produisait localement ses talents, les matchs actuellement laissent toujours le public sur sa faim. « A voir les matches de notre championnat, nous avons comme l’impression de vouloir dormir. Le niveau est tellement bas que nous attendons avec impatience les rendez-vous européens pour nous épanouir », reconnaissent des supporters que nous avons accostés dans la rue. Interrogés par Compétition sur l’apport des joueurs émigrés dans le championnat national, les supporters sont unanimes : « A l’exception de quelques éléments dont, entre autres, Lemouchia et autres Cédric, les joueurs recrutés ne donnent pas vraiment satisfaction. L’on ne sent pas une grande différence entre eux et ceux formés localement. C’est ce qui explique, d’ailleurs, leur incapacité d’influencer positivement sur le niveau du championnat national. » Et de préconiser : « Avant de procéder au recrutement d’un émigré, il faudrait d’abord avoir des informations détaillées sur le joueur. Il ne faut pas s’aventurer sur un élément dont on ne dispose pas beaucoup d’informations. C’est pourquoi l’on remarque que certains joueurs n’arrivaient pas à faire long feu. Ils s’éclipsent rapidement en raison de leur niveau peu convaincant. »

Lemouchia ouvre le bal, défilé de la diaspora

Point de trace d’eux en raison de la production en masse de talents localement durant les années 1970 et 1980 ainsi que lors de la décennie noire, les émigrés commençaient à faire leur apparition dans le football algérien après l’instauration de la sécurité et l’embellie des finances du pays. Même si une tentative peu réussie de la JS Kabylie qui avait engagé, rappelle-t-on, lors de la saison 2008/2009, l’attaquant Rachid Benayane, il faut dire que le milieu de terrain Khaled Lemouchia a ouvert le bel après son engagement par l’Aigle noir sétifien lors de la saison 2005/2006. Lemouchia avait brillé de mille feux dès ses premières apparitions. Il avait montré d’importantes capacités de formation et de culture tactique. Une icône dans un monde marqué par une grande médiocrité de joueurs locaux, très mal formés. L’ancien produit de l’école de formation de l’Olympique de Lyon en fera des émules. Lemouchia se permettra le luxe de sortir de l’anonymat et va faire partie de l’équipe nationale de Rabah Saâdane qui fera parler la poudre en 2009 et 2010 se qualifiant à la phase finale de la Coupe du monde et atteignant le carré d’as de la CAN d’Angola. Lemouchia réussira également d’importants exploits avec les Sétifiens remportant championnat, coupe d’Algérie et coupe arabe des clubs champions. Que d’exploits ! Les clubs algériens s’en inspireront, se lançant dans une course pour le recrutement des émigrés en mesure de leur ouvrir la voie de la gloire. Mais on ne réussit pas à tous les coups.

Embellie financière de l’Algérie, crise en Europe, les émigrés pointent le nez

Fait d’hasard ou fait prémédité ? Une question qui mérite bien d’être posée. L’arrivée des joueurs d’origine algérienne formés dans les écoles françaises de football coïncidera avec l’amélioration de la situation financière du pays. En 2004, les prix du pétrole enregistrent une flambée sans égale. Le prix moyen du baril est estimé à 100 dollars. Une chance pour l’Algérie qui fait alors son beurre. Les réserves de changes s’acculement et le pays se lance dans des projets socio-économiques, culturels et sportifs. Un cadeau du ciel qui sera profitable pour de nombreuses couches du pays. Les joueurs en profitent également et enregistrent une nette revalorisation de leurs revenus. Les émigrés auront leur part du gâteau. Surtout que le vieux continent plonge dans une exécrable crise financière. Elle jette ses relents sur tous les aspects de la vie. Nos footballeurs émigrés trouvent alors refuge dans leur pays d’origine pour exercer leur métier de prédilection. Et gagner, par la même occasion, bien leur vie. Leurs salaires en Algérie sont, de l’avis même de plusieurs observateurs, nettement supérieurs à ceux touchés en France. 

 Mohamed Fayçal

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Dahleb, Harchèche et Diffalah

Le CRB déclencheur de la piste des émigrés

Au moment où tout le monde pense que l’Entente de Sétif est le premier club à avoir exploré la piste des émigrés, l’histoire montre bien le contraire. C’est pourtant le Chabab Riadhi de Belouizdad qui est le premier club en Algérie à avoir engagé des émigrés durant la période post-indépendance. Et c’est le grand Mustapha Dahleb qui fait le chemin inverse en quittant le football français pour rejoindre le championnat algérien. Appelé sous les drapeaux (service nationale), « Mouss » revient au pays et opte, entre-temps, pour le CR Belouizdad en provenance de Sedan Ardennes. Le public belouizdadi dégustait les prouesses du joueur pendant deux bonnes années, le temps de terminer son service national. Dahleb revient cependant en France pour endosser les maillots de Sedan, du PSG et de Nice. Feu Mohamed Lefkir, alors président du Chabab, renoue avec cette tradition. Il avait ramené Harchèche et Diffallah lors de la saison 2001/2002. Les deux joueurs en question n’avaient pas fait pas long feu. Pis, la carrière de Harchèche prend fin au CRB après avoir contracté une grave blessure. M.F.

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CSC, ESS, MCA et JSK destinations préférées des « expatriés »

En décidant d’aller monnayer leurs talents dans le pays de leurs parents, les joueurs issus de la communauté algérienne en France choisissent les grosses cylindrées de l’élite nationale. C’est dire qu’ils ont bien une idée sur le football algérien et ses clubs représentatifs sans diminuer bien évidemment de la grandeur des autres clubs du pays. Leur destination préférée est l’Entente de Sétif, le MC Alger, le CS Constantine et la JS Kabylie. Pas moins de 19 joueurs émigrés et pas des moindres y évoluent. La part du lion est détenue par le Mouloudia d’Alger sous la tutelle de Sonatrach et l’Entente de Sétif. Le Doyen compte en son sein pas moins de cinq joueurs : Belaïd, Fabre, Yachir, Kacem et Zeghdane. L’Entente de Sétif en compte six : Belameiri, Zerara, Khedaïria, Karaoui, Gourmi et Bouazza (ce dernier a rompu son contrat après un bref passage). Le CS Constantine, quant à lui, comprend quatre joueurs : Laïri, Cédric, Zerdab et Henaini. Et enfin la JS Kabylie qui a engagé cette saison les joueurs suivants : Beziouène, Bencherifa, Yesli et Si Salem.

JS Saoura : 0 émigré

Tous les clubs de la Ligue 1 professionnelle ont des joueurs émigrés dans leurs effectifs respectifs, à l’exception de la JS Saoura. Il semble que jouer dans le Sud du pays n’emballe pas nos émigrés. Cela ne va pas durer longtemps, surtout que les gars de Béchar commencent à avoir des traditions dans la cour des grands. La couleur avait été déjà annoncée par le CR Beni Thour, vainqueur de la coupe d’Algérie en 2000. M.F.

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Sélection : l’apport des émigrés

Il faut reconnaître que la présence des émigrés dans le football algérien est une réalité historique. L’Algérie ne leur a jamais tourné le dos. Ils étaient toujours présents dans nos sélections nationales. Mais ces dernières années, ils dominent carrément les différentes sélections nationales. La Fédération algérienne de football (FAF) s’est retrouvée, en fait, contrainte d’opter pour la politique du « tout-émigré » pour supplier au produit local, le système de formation local n’étant plus en mesure de mettre sur le marché des joueurs valables sur lesquels on peut compter. L’apport des émigrés, faut-il le reconnaître, est très positif dans la mesure où ils permettent désormais à l’Algérie de se qualifier régulièrement au Mondial et de devenir, également, représentative. Les Antar Yahia, Ziani, Bougherra, Mandi, Cadamuro, M’Bolhi, Feghouli, Yebda, Meghni, Matmour, Belhadj, Boudebouz, Belfodil et autres Taïder, pour ne citer que ceux-là, constituent une solution certaine. Mais cela ne doit pas durer éternellement. Une production locale s’impose pour rendre au moins au football algérien son identité…tactique.  M.F.

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Lemouchia : «Les émigrés apportent de la qualité»

«L’argent n’est pas forcément un facteur stimulant»

Qui mieux que Kahled Lemouchia pour parler du cas des émigrés. Il s’y prononce. En toute objectivité.

Quel commentaire faites-vous sur l’arrivée en force des joueurs émigrés vers le championnat algérien ?

Cela est une chose positive pour le football algérien. Ces émigrés sont également des Algériens. Ils aiment leur pays, ils veulent absolument apporter une pierre à l’édifice. Ce sont des joueurs formés dans les écoles de football en France. Leur arrivée devrait apporter un plus au football algérien. La preuve, ils sont en train de s’imposer en club et en sélection. Plusieurs émigrés ont réussi à frapper aux portes de l’EN après avoir opté pour des clubs algériens, à l’instar de ma personne et de Karaoui.

- Qu’est-ce qui pousse ces joueurs à laisser la France pour venir se produire en Algérie ?

- Jouer au football en Algérie a ses spécificités. Jouer des matches d’enjeu entre les grands clubs comme l’ESS, la JSK, le MCA, l’USMA, le CSS…est un facteur stimulant. Les émigrés savent bien qu’ils peuvent jouer devant des gradins pleins à craquer. C’est la vraie sensation du football. Cela on ne le trouve pas, surtout qu’on on joue dans les divisions inférieures. Il ne faut pas oublier aussi que ma réussite en Algérie a constitué un facteur déclencheur. Tout le monde a remarqué ma réussite après avoir gagné des titres avec l’ESS et jouer en sélection.

Des observateurs pensent que l’afflux des émigrés serait motivé par des considérations financières. Qu’en dites-vous ?

Je ne le pense pas. J’écarte cette hypothèse, et ce, pour la simple raison que les joueurs qui viennent en Algérie sont des jeunes. Ceux-ci veulent rebondir et donner une nouvelle dimension à leur carrière. Si c’était des joueurs en fin de carrière ou de cycle, j’aurais pensé qu’ils viennent pour l’argent. Ce n’est pas le cas actuellement, puisqu’on trouve des émigrés très jeunes qui optent pour le championnat d’Algérie. M.F.  

 

 

 

 

 

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