- «JSK-MCA, la plus belle affiche en finale» - «La Kabylie a toujours de jeunes talents, ils sont juste marginalisés»
Entretien réalisé par Halim Djender
La JSK va jouer sa 10e finale de coupe d'Algérie, qu'en dites-vous ? Cela montre la bonne santé du club. Ce n'est pas donné à n'importe qui, à n'importe quel club. La coupe n'est pas comme le championnat, car ce n’est pas évident et sûr d’être là la prochaine saison. La coupe serait donc plus valorisante que le championnat… Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Au contraire, le championnat est plus valorisant, simplement il n'est pas évident d'être chaque année en finale de la coupe. Quel regard portez-vous sur la JSK cette saison ? Les résultats parlent d'eux-mêmes. L'équipe a réalisé un bon départ, cela contraste avec les deux saisons précédentes où le club jouait le maintien, c'était catastrophique ! La JSK est restée longtemps sans rien avoir à se mettre sous la dent. Cette fois, le club a bien géré le recrutement. Il y a eu aussi une certaine stabilité à la barre technique. Cette année, on a laissé le coach actuel travailler et on en voit les résultats : l'équipe est seconde en championnat et finaliste de la coupe. Tant mieux pour la JSK ! Elle est donc sur les bons rails… Quand tu es second en championnat et finaliste de la coupe d'Algérie, tu ne peux pas espérer mieux. Si, on peut espérer finir champion d'Algérie… Non, le titre s'est envolé, l'USMA a pris une sacrée avance. Il sera quasiment impossible de la rattraper. Je crois que le problème s'est posé au départ, on disait souvent : on va jouer le podium. On aurait dû annoncer la couleur et dire dès le début : on va jouer le titre ! Cette saison, il y a eu l'éclosion de jeunes talents kabyles, est-ce que vous en connaissez quelques-uns ? Je ne les connais pas, mais je dis qu'il y a toujours eu de jeunes talents en Kabylie. Seulement, on les a marginalisés. Il y a eu beaucoup de cas comme ça. Comme qui, par exemple ? Quand j’étais l'entraîneur de la JSK, j'avais mis dans le bain quatre juniors, je ne me rappelle pas tous de leurs noms mais je me souviens par exemple de Belhocine qui était très prometteur. Le président avait apprécié ces quatre éléments que j'ai alignés lors du dernier match contre le CABBA, où ils avaient donné satisfaction. Ils ont joué la coupe contre le MCEE aussi. On leur a fait signer des contrats de quatre ans puis, on ne les a plus revus. Pas de suivi, malheureusement. J'espère que les jeunes auxquels on fait confiance aujourd'hui ne subiront pas le même sort. Moi, j'ai apprécié le jeune Lamhène, il a des qualités. J'espère juste que les dirigeants ne referont pas les erreurs du passé. A la JSK, on promeut des jeunes, on leur fait confiance au début mais on les oublie par la suite. On dit que Fergane est l'élément le plus prometteur, votre avis ? Il ne s'agit pas de s'enflammer uniquement parce qu'on a réalisé un bon match. La JSK a des jeunes, avec un talent énorme, mais il faut garder la tête sur les épaules et les pieds sur terre. L'avenir appartient à ces jeunes. Un jour, Nasser Sandjak a dit que Maroci lui rappelait Saïb, vous le voyiez comme ça vous aussi… Maroci est plus défensif que moi. Chacun son point de vue, mais j'étais plus meneur de jeu. On ?’a pas le même style de jeu. Disons que Sandjak a voulu faire une fleur à Maroci... Voilà, peut-être, tant mieux pour Maroci ! J'espère qu'il fera la même carrière que moi ! Non, je plaisante. Une finale JSK-MCA, belle affiche, non ? Oui, sans aucun doute, d'autant plus que c'est la première fois que ces deux grands clubs vont se retrouver en finale de la coupe. C'est la plus belle affiche dont peut rêver le football algérien ! J'espère que les deux équipes nous gratifieront d'un bon football, à hauteur du standing des deux clubs. Les Canaris ont battu le Mouloudia récemment trois à zéro, n'est-ce pas un avantage psychologique ? Les matchs ne se ressemblent pas. Cette victoire a été acquise en championnat. La coupe, c'est autre chose, surtout en finale. Il ne faut pas tomber dans le piège et croire que ce sera aisé uniquement parce qu'on vient de battre l'adversaire trois à zéro. Le MCA a peut-être vu la JSK de haut ce jour-là. Cette fois, je peux vous assurer qu'il abordera le match avec beaucoup plus de sérieux. J'ai joué deux ou trois finales de coupe dans ma carrière, chaque fois les deux équipes partaient à chances égales. Moussa, songez-vous à reprendre du service en tant qu'entraîneur ? On nous a découragés. Je sens qu'on ne veut pas de nous, qu'on dérange. Les gens aiment avoir maintenant des entraîneurs étrangers, c'est plus rassurant, paraît-il. Vous parlez de la JSK ou de la Fédération… Aït Djoudi n'est pas un coach étranger, donc je ne parle pas de la JSK. Je parle en général et je note que les gens préfèrent la pâte étrangère à celle locale. En Algérie, on aime toujours importer plutôt que de faire confiance au produit local. Ne trouvez-vous pas curieux qu'on n'ait jamais songé à vous pour intégrer le staff de l'équipe nationale ? Voilà une très bonne question. Moi, je vois seulement qu’on ne m'a jamais fait une proposition dans ce sens. Ni moi ni un autre de notre génération, si je ne me trompe pas. Est-ce qu'un jour Raouraoua vous a sollicité pour vous confier une mission ? Non, cela n'est jamais arrivé. On ne m'a jamais rien proposé. Mais, je ne veux pas parler de ma personne. Citons, par exemple, Lakhdar Adjali, l’ancien international du NAHD et qui a joué à Amiens. Il a tous les diplômes requis en France, mais on ne l’a jamais sollicité chez nous. D'accord, Moussa Saïb n'a pas de diplôme, mais Adjani en a, pourquoi ne lui donne-t-on pas une chance de travailler ? Je ne connais pas les critères de recrutement dans notre pays. Raouraoua songe à faire appel à Gourcuff, peut-être pour remplacer Halilhodzic... Tant mieux, ce serait une bonne chose, cela voudrait dire que Raouraoua aurait pris ses devants. Mais pour le moment, je ne sais pas qu'est-ce qui s'est dit au juste entre le président de la Fédération et Gourcuff. Vous avez connu de près Gourcuff, que pouvez-vous nous dire de lui ? C'est une très bonne affaire ! J'ai joué à Lorient, j'ai connu Gourcuff, c'est lui qui a fait de ce club ce qu'il est devenu actuellement. Sa touche est perceptible, son équipe est technique et joue bien au ballon. Il est imprégné du jeu à la nantaise. Je connais sa façon de travailler, c'est un passionné du football. Aussi, comme tous les Bretons, Gourcuff est timide et gentil. S'il est gentil, les joueurs vont sentir un drôle de changement avec la rigueur de Halilhodzic… Chacun a sa manière de gérer un groupe. Et puis, ce n'est pas parce que Vahid est dur qu’il ne gère pas bien son groupe. En dehors du terrain, je suis prêt à parier qu'il est bien avec ses joueurs. Guy Roux, avec nous à Auxerre, était également dur dans le travail, mais en dehors il était adorable. Je ne crois pas que Gourcuff soit gentil dans le sens où il se laisserait faire, c'est quelqu'un qui sait transmettre son message. Comment voyez-vous le parcours de l'Algérie au prochain Mondial ? En se qualifiant, l'Algérie fait déjà partie des meilleures équipes du monde. C'est un honneur, une fierté de voir le drapeau national flotter au Brésil. Les gens disent qu'on est dans un groupe facile, au contraire, ce sera très compliqué à jouer. Où situez-vous la difficulté ? La Belgique est sortie de son groupe qualificatif avec une différence énorme. Absente de la scène internationale depuis longtemps, elle effectue un retour tonitruant. Ses joueurs évoluent dans les plus grands clubs d'Europe. La Russie, elle, a devancé le Portugal de Cristiano Ronaldo. Elle a aussi un entraîneur qu'on connaît bien et qu'on ne doit plus présenter : M. Capello ! Il nous connaît très bien aussi pour avoir déjà joué contre nous en 2010. La Corée du Sud, ça part de partout et ses joueurs sont imprévisibles. Toutes les difficultés sont là. Notre groupe est plus difficile que celui de la France. Donc, l'Algérie a peu de chances de passer enfin le premier tour... Rien n'est facile dans la vie, mais il faut y croire. On jouera contre les meilleures équipes du monde, à nous de hausser notre niveau. On a joué à trois reprises en Coupe du monde mais, à chaque fois, on n’a pas dépassé le premier tour. Pourquoi ne pas le réaliser cette fois ? Quelles sont, selon vous, les forces et faiblesses de cette équipe nationale ? Côté faiblesses, on n’a pas de leader dans l'équipe, à part Madjid Bougherra. C'est le point noir par rapport à l'équipe de 2010 où il y avait, en plus, les Ziani, Antar Yahia et autres comme leaders. Côté force, je dirais que le talent est plus manifeste dans l'équipe actuelle. Malheureusement, on change tout le temps l'équipe, à chaque match ce n'est pas toujours la même qui évolue et ce n'est pas bien pour les automatismes. C'est comme si on procédait encore pour recruter les 23. Normalement, cela devrait être prêt et on s'attellerait uniquement à préparer son équipe. Prenons l'exemple de l'équipe de France, à 90 % on connaît son équipe type. Chez nous, on ne sait même pas qui sera le gardien de but. Il y a, enfin, une autre chose qui me dérange. Laquelle ? Les sparring-partners que l'équipe nationale doit affronter avant le Mondial. Pour hausser son niveau, on aurait dû choisir un adversaire bien plus huppé que la Slovénie… H. D.
Bio express Né le 6 mars 1969 à Theniet El-Had, à Tissemsilt, Moussa Saïb a lancé sa carrière à la JSM Tiaret où, très tôt, il a brillé au poste de milieu de terrain. La JSK a ensuite amplement profité de son talent, elle a eu également le bonheur de le compter comme entraîneur, encore victorieux. C’est à l’AJ Auxerre de Guy Roux qu’il sera le plus identifié à l’étranger, même s’il a porté les prestigieux maillots de Valence, Tottenham et Monaco. Moussa Saïb fait partie de la génération dorée qui a donné à la sélection d’Algérie son unique trophée continental.
Suspendu 2 ans mais appelé en sélection ! En 1989, Moussa Saïb a signé à la JS Kabylie alors qu’il était encore sous contrat avec la JSM Tiaret. Se retrouvant avec une double licence, la FAF lui a infligé une suspension de 2 ans. Malgré sa sanction, il a été régulièrement convoqué en équipe nationale. Sa bonne prestation durant la CAN gagnée par l’Algérie l’année suivante lui a permis de bénéficier d’une amnistie.
Titré comme joueur, entraîneur-joueur et entraîneur Moussa Saïb a été champion d'Algérie avec la JSK de trois manières différentes. Il a été sacré en 1990 en tant que joueur. En 2004, il a récidivé comme entraîneur-joueur (en compagnie d’Aït Djoudi). En 2008, il a remis ça en remportant le titre, cette fois au poste d’entraîneur en chef de la JSK.