Fabbro : «La différence entre le MCA et la JSK, c’est Ebossé !»

Enrico Fabbro a entraîné le MCA et la JSK. Il est bien placé pour évoquer la finale de la coupe d’Algérie qui réunira les deux clubs le 1er mai prochain, d’autant qu’il en a déjà gagné une avec le Mouloudia, contre l’USMA. Le technicien italien parie qu’Ebossé jouera un rôle prépondérant au stade Tchaker…

Le MCA jouera contre la JSK en finale de la coupe d’Algérie, que vous inspire cette rencontre entre deux clubs dont vous avez été l’entraîneur ?

C’est le Clasico algérien ! Ce match va réunir les deux clubs les plus importants du pays qui, de plus, ont tous des supporters fantastiques vouant à leurs équipes respectives un amour sans pareil. Il y a quand même une différence entre ces deux clubs.

Laquelle ?

Moi, je la situe au niveau de la stabilité des dirigeants. Hannachi est président de la JSK depuis longtemps, cela donne beaucoup de sérénité à l’équipe. Je comprends aussi qu’il change tout le temps l’entraîneur, il n’y a recours que lorsque les résultats ne suivent pas, c’est logique. En revanche, c’est une autre histoire au Mouloudia où on est confrontés à une grande instabilité des dirigeants. Le problème du stade perdure toujours et il faut se démener, pratiquement, chaque journée pour trouver le lieu où livrer son match de championnat. Ce n’est pas bien pour un club qui attire autant de fans. Le public du MCA est unique au monde !

Carrément !

Oui, c’est du moins ce que je pense. Je les rencontre partout. Par exemple, quand je suis à Paris, au bout de cinq minutes, je tombe sur un supporter du MCA qui m’interpelle en disant : «Bonjour, Fabbro, Mouloudia, c’est bien, coach !» Si je vais à Londres, c’est pareil. C’est encore la même chose en Suisse, en Italie… Je vous le dis, je les rencontre partout où je vais. Si le MCA avait la même stabilité que celle de la JSK au niveau des dirigeants, il serait un grand club du continent.

Que donnerait la finale MCA-JSK, selon vous ?

Une finale, c’est un match unique qui n’a rien à voir avec une rencontre de championnat. La pression de la finale est très différente. Ce sont les joueurs qui ont un peu d’expérience qui peuvent faire la différence. Il est vrai que la JSK a battu récemment le Mouloudia 3 à 0 en championnat, j’ai vu le match sur Canal Algérie, mais la finale sera totalement différente.

Comment avez-vous préparé la finale gagnée avec le MCA contre l’USMA ?

Je me souviens que les responsables du Mouloudia avaient accédé à ma demande en me permettant de déplacer l’équipe en Italie pour la préparer durant une dizaine de jours. Ainsi, on a pu travailler tranquillement, dans des structures adéquates, sans aucune pression des supporters. C’est de cette manière que j’ai pu travailler l’efficacité dans les aspects physique, tactique et technique. On a également donné un bon coup de fouet au mental. Le jour de la finale, je me suis contenté de donner d’ultimes petites consignes tactiques, puis j’ai laissé les joueurs opérer. Parce qu’il faut le souligner, une finale, c’est le match des joueurs, pas de l’entraîneur ! Voilà ce qui nous avait permis de battre l’USMA 1 à 0, grâce à un but de Hadjadj, et de brandir le trophée.

La saison passée, le MCA a perdu contre l’USMA justement, et l’équipe traverse une période de doute…

Normalement, le Mouloudia gagne ses finales, je crois qu’il a dérogé à la règle une seule fois, la saison écoulée.

Tarek Lazizi, l’ancien capitaine du MCA, nous a dit récemment que le Mouloudia doit jouer de manière aussi agressive que Boca Juniors, partagez-vous son avis ?

(Rires). Je connais Lazizi, je crois cependant que, sur les plans psychologique et physique, le joueur algérien est très différent de celui de Boca. L’Algérien ne peut pas courir pendant 90 minutes et assurer un pressing constant. Il est plutôt fait pour jouer avec le ballon pour arriver devant le but. 

Que pensez-vous des deux équipes ?

Cette saison, la JSK a trouvé son homme en attaque : Ebossé ! Il offre à l’équipe des possibilités que je n’avais pas quand j’avais en charge l’équipe de la JSK. Il est très efficace. Il peut manquer une, deux occasions, mais la troisième il la met au fond. Le MCA est bon défensivement et au milieu, mais son attaque pose problème. Pour moi, la différence entre les deux équipes se situe au niveau des attaquants. La JSK a Ebossé, ce que le MCA n’a pas.

Peut-on revenir sur les vraies raisons qui vous ont amené à quitter le MCA et la JSK ?

Au MCA, je suis parti en raison de l’instabilité des dirigeants et de leur politique qui ne me convenait pas. Quant à la JSK, c’est parce que j’avais perdu deux matches de suite. Les résultats ne suivaient pas, il était logique de mettre fin à l’aventure.

Que dites-vous de la sélection algérienne à moins de 2 mois du Mondial ?

J’ai vu dans la presse qu’il y a une polémique sur l’avenir du sélectionneur au-delà du Mondial : il part, il reste, Raouraoua… Vahid Halilhodzic fait du bon travail, je souhaite qu’il retrouve la sérénité avant d’aller au Brésil. C’est important pour espérer un bon parcours en Coupe du monde. Laisser entendre que Gourcuff ou Trapattoni vont arriver, ce n’est pas bien pour l’équipe. Cela étant, j’estime que la sélection d’Algérie n’est pas l’expression du football algérien parce que la majorité des joueurs qui la composent viennent de l’extérieur du pays, de la France, de l’Italie, de l’Angleterre et autres pays d’Europe. L’équipe algérienne est un travail de collage de différentes expériences. Un joueur qui opère en Italie est évidemment très différent de celui qui le fait en Angleterre ou en France. J’espère que l’Algérie réussira de bons résultats au Brésil, autrement il ne serait pas évident de progresser encore par la suite.

Parmi les joueurs qui évoluent en Italie, qui appréciez-vous ?

Sans hésiter, Mesbah ! Des quatre ou cinq joueurs qui jouent en Italie, Mesbah est celui qui m’impressionne le plus. Il se rapproche beaucoup de la mentalité du joueur en Algérie, il est très dur, il ne laisse rien à l’adversaire. Après, il y a Ghoulam qui fait de bonnes choses avec Napoli. Il est sur le point de finir en bonne place pour jouer la Ligue des champions, la saison prochaine. Ce n’est malheureusement pas le cas d’un joueur que j’avais sous la main à la JSK et qui se trouve mal en point…

Vous parlez de Belkalem, bien sûr…

Oui, c’est ça. Il a signé à l’Udinese, en Italie, mais il a été prêté à Watford, en Angleterre, parce que le propriétaire des deux clubs est le même. C’est un bon stoppeur, il a de bonnes qualités, mais pour faire une bonne Coupe du monde, il doit se faire une place importante dans le football international. J’espère qu’il arrivera dans les meilleures conditions physiques en équipe nationale et qu’il pourra jouer beaucoup de matches durant la Mondial 2014.

Que faites-vous actuellement ?

Je travaille avec la Fédération italienne de football qui m’a confié l’équipe des moins de 18 ans, je travaille sur de nouvelles méthodes de sélection de joueurs. Ce ne son plus les critères physiques et techniques qui comptent seulement, maintenant, on y adjoint la biologie et l’alimentation, ce sont tous ces paramètres qui détermineront les qualités d’un joueur de niveau international. C’est un travail que je réalise avec le concours de la Fédération italienne de football et l’Université italienne.

C’est une méthode révolutionnaire ?

Oui, en quelque sorte, la méthode de sélection a changé. Actuellement, la biologie nous permet d’avoir un aperçu sur les caractéristiques physiques du joueur. Elle montre à l’entraîneur si le joueur a des risques de lésions musculaires, par exemple. Ensuite, il y a l’alimentation qui entre en considération. Elle a changé, elle est désormais individuelle et se fait selon les constantes biologiques du joueur. Ce n’est qu’après que viennent les aspects techniques et tactiques.

M. Fabbro, est-il possible de vous revoir la saison prochaine en Algérie ?

Pour le moment, aucun club algérien ne m’a fait signe. Mais prendre une équipe algérienne me séduit toujours. J’ai gagné la coupe d’Algérie, la supercoupe d’Algérie mais je n’ai pas encore remporté le championnat d’Algérie. Je veux donc y remédier pour que mon passage en Algérie soit complet !

H. D.

«Je veux revenir en Algérie pour gagner le championnat » 

«J’ai vu des Chnaoua à Paris, Rome, Londres, partout ! »

«Belkalem doit se faire une place importante dans le foot mondial »

«L’EN de Vahid n’est pas l’expression du football algérien » 

 

 

Bio express

Enrico Fabbro est un entraîneur de football italien né à Rome le 14 juin 1959. Après s'être occupé de l'équipe junior de la SS Lazio, il a pris en charge les seniors du MC Alger, à deux reprises, en 2006 et 2008. En 2012, il a coaché la JS Kabylie. Dans son palmarès, on trouve une coupe d’Algérie et une supercoupe d’Algérie remportées avec le Mouloudia d’Alger.

 

«Dirou el-kelb !», disait-il avant la finale contre l’USMA

Peu avant d’affronter l’USMA en finale de la coupe d’Algérie, Enrico Fabbro s’est rapproché de son adjoint, dans le vestiaire, pour lui demander comment dit-on «Mettez-y du cœur !» en arabe, histoire de motiver ses joueurs. «Dirou el-guelb !», lui dit son adjoint. Fabbro s’est ensuite tourné vers ses joueurs en lançant : «Dirou el- kelb !» («Mettez-y du chien!»). Ses protégés en étaient tout étonnés, ce n’est que bien plus tard qu’ils ont tout saisi de l’histoire qui les a fait rire. Surtout après la victoire contre l’USMA…

 

 

Enrico, jamais sans ma femme !

Lors de son passage à la JSK, Enrico Fabbro a effectué deux stages de préparation, le premier en Tunisie, le second au Maroc. En Tunisie, il est venu sans sa femme. Mais celle-ci n’a pas trop supporté de rester longtemps loin de son époux. Elle a fini par le rejoindre au Maroc où Enrico lui a loué une chambre dans un luxueux hôtel à Aïn Diab, un chic endroit de Casablanca. Jamais sans ma moitié !

 

 

 

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