Mourad Slatni : «La chute d’Annaba a été précipitée par des aventuriers»

Ancien international, Mourad Slatni a tout naturellement choisi de passer de l’autre côté de la barrière en suivant une carrière d’entraîneur. Charismatique et rigoureux, il est imposant sur le banc. Son premier grand succès dans ses tout premiers pas d’entraîneur, c’est cette coupe de la Cecafa qu’il a remportée avec la sélection kényane aux côtés d’un autre compatriote, Adel Amrouche.

Vous avez été champion de la Zone Cecafa-CAF (centre et est de l’Afrique, ndlr), une sacrée performance quand on sait qu’il y avait avec vous la Zambie, championne d’Afrique, ou le Soudan.

 

Parlez-nous un peu de cette aventure aux côtés d’Adel Amrouche ?

Adel m’avait sollicité pour être justement à ses côtés au mois d’octobre, me faisant savoir qu’il avait une compétition assez importante à préparer. A l’époque, j’étais à l’USM Aïn Beida. A vrai dire, Adel m’avait contacté bien avant, mais je ne pouvais y aller, étant donné que je n’étais pas prêt. Mais, au mois d’octobre dernier, il devenait un peu pressant et là je me suis dit pourquoi pas. En deux jours seulement, j’ai tout fait et j’ai pris l’avion. Nous avons fait ensemble la préparation dudit tournoi. Nous avons joué quand même trois matches avant de nous qualifier pour les quarts de finale. Nous avons battu le Rwanda, qui est un sérieux client, par un but à zéro. Nous avons remis çà contre la Tanzanie en demi-finale et nous avons joué et battu le Soudan en finale.

 

Sur le plan personnel, que vous a appris cette expérience ?

Ce fut une véritable expérience sur le plan humain. J’ai déjà été au Kenya avec l’équipe nationale dans les années 90, mais ce jour-là, je n’avais absolument rien vu, si ce n’est l’hôtel et le stade où nous avions joué. Là, par contre, je suis resté quatre mois, et ma foi j’ai découvert un grand et beau pays, et des gens très sympathiques, accueillants, hospitaliers. Je ne vous apprends rien, le Kenya et sa savane, c’est une destination prisée à travers le monde et ce n’est pas par hasard si toutes les chaînes de télé du monde ont un bureau à Nairobi.

 

Et sur le plan sportif…

C’est une expérience riche en enseignements, c’est clair.

 

Si on vous demandait de faire une comparaison entre la sélection algérienne et celle du Kenya. On parle côtés organisation, logistique etc.

Vous savez, l’organisation et la logistique sont tributaires des moyens mis en place. Et là, je peux vous dire qu’il n’y a pas photo, nous avons beaucoup plus de moyens que le Kenya et, par voie de conséquence, nous sommes mieux organisés. Au Kenya, il y a de beaux stades, il y a une belle infrastructure, mais pas les moyens financiers. Voilà.

 

Parlons championnat d’Algérie. Quelle analyse faites-vous de cette saison qui tire à sa fin ?

Sur le plan niveau, je crois qu’il n’y a eu beaucoup de choses. L’USMA, qui monte en puissance au fil des années, on sentait qu’elle allait imposer un rythme élevé. L’USMA, qui a pris le temps de se mettre en place et d’asseoir sa suprématie, sachant que lors de la saison 2010-2011 l’équipe a échappé à la relégation en dépit de son armada de bons joueurs. Là maintenant la machine est plus huilée, l’USMA met la barre très haut et roule droit vers le titre. A contrario, le CRB, qui n’en finit pas avec ses problèmes, me paraît s’enliser un peu plus, bien que je lui donne beaucoup de chances de sauver sa place en L1. Je note aussi la très bonne performance du MC El-Eulma, du nouveau promu, le RC Arba, qui ne dispose pas des moyens comme certaines autres équipes autrement plus nanties. Je constate cependant que, contrairement à certaines situations antérieures, il n’y a plus d’équipes de régions. Aujourd’hui, ce sont les équipes du centre du pays qui se portent mieux financièrement, alors les meilleurs joueurs de l’est et de l’ouest du pays viennent monnayer leur talent.

 

Justement, la transition est toute faite. Comment expliquez-vous la chute de l’USM Annaba en Nationale 2 amateur ? On devrait vous dire aussi à ce sujet que l’opinion sportive est quelque peu sonnée par cette véritable chute d’une équipe comme Annaba…

Sincèrement, je ne suis ni choqué ni étonné, parce que Annaba est «tombé» il y a des années maintenant. Des années durant, du temps d’Aïssa Menadi, on a fait des folies, on a amusé la galerie en «important» des joueurs par dizaines, sans se soucier de l’avenir du club ni en mettant en place une vraie administration, de vraies structures administratives qui auraient assuré la pérennisation du club. Au lieu de tout cela, on fait dans le factice, dans le faux et de la poudre aux yeux. Tout a été faux depuis le début. C’est des gens qui n’ont rien à voir avec le football qui ont pris le club en otage, juste pour se frayer un chemin en politique. Aujourd’hui, l’USM Annaba paye les pots cassés, et là, j’en suis vraiment … Je ne trouve pas les mots pour dire certaines choses, le mal est tellement profond. Dire que je suis insensible à ce que vit le club, c’est vous mentir, mais que puis-je faire, sinon constater les énormes dégâts causés par ces aventuriers de tous bords.

 

Vous parlez des dirigeants, c’est clair !

Oui, bien sûr, parce que les joueurs ne font que suivre ce que font leurs dirigeants. Je n’en veux pas aux joueurs, c’est clair. Ce sont ces irresponsables qui sont les premiers à plaindre ; c’est eux qui ont précipité la chute du club vers les abîmes.

 

Mais certains affirment que l’USM Annaba a été abandonnée par ses propres enfants, par son propre public, qui a boudé le club de très longues semaines durant…

Non. Je suis désolé, ce sont les pseudo-dirigeants qui ont abandonné le club, pas les supporters ou les enfants du club. Au cours de cette saison, les joueurs n’ont perçu que deux mois de salaire. Quel est ce dirigeants, enfant du club, qui va venir mettre sa main dans ce panier à crabes ? Comme je viens de vous le dire, les dirigeants, ou bien les gens qui se définissent comme tels, ont tout fait pour faire le vide autour d’eux, ils étaient là juste pour se faire un nom et se voir ouvrir un passage pour faire de la politique. Il y en a même qui sont eux-mêmes un réel problème, alors ils viennent au club et qu’apportent-ils avec eux sinon des problèmes ? Vous parlez des enfants du club, j’ai pris l’équipe en début de saison, j’ai fait venir des enfants du cru, des jeunes qui pouvaient faire très bonne figure durant cette saison. Les dirigeants n’en ont pas voulu, ils ont tout fait pour que je parte et que «mes» joueurs partent. Pourquoi ? Et bien parce que, avec moi, le business du va-et-vient avec les transferts des joueurs était terminé. Moi, avec ma politique, les vannes allaient se fermer, alors qu’est-ce qu’on a fait ? On a tout fait pour que je parte, et je suis parti. Voilà, c’est tout.

 

On va parler de l’équipe nationale qui est actuellement en stage de préparation pour le Mondial. Un commentaire…

Franchement, pour ce qui me concerne, je dirais que nous avons une équipe nationale tout juste moyenne. Quand je vois comment nous nous sommes qualifiés, je me dis qu’il y a encore beaucoup de boulot à faire. Je pense, honnêtement, que nous devons d’abord gagner nos deux, voire trois matches amicaux de préparation, on ira au Mondial avec un bon moral, cela fera du bien aux joueurs. Sinon, on va douter, les joueurs vont se sentir mal, etc. Je crois même que le sélectionneur lui-même n’est pas confiant. A mon avis, il est venu après un échec en Côte d’Ivoire, là il n’est pas encore en pleine confiance, il me paraît un peu trop hasardeux dans certaines de ses décisions. Après le fiasco de la CAN, il n’est resté à la barre que parce que tout le monde voulait la stabilité et çà il le sait très bien. J’ose seulement espérer qu’on n’aura pas à déplorer des blessés avant la Coupe du monde. Cependant, je me permettrais de dire que, pour ce qui me concerne, j’ai toujours apprécié le joueur local qui a beaucoup de qualités techniques. Mais ce que je déplore, c’est qu’après la qualification pour le Mondial sud-africain, on n’a plus fait confiance au joueur algérien du cru. Hadj Aïssa, par exemple, aurait bien pu apporter quelque chose à l’équipe, mais, pour des raisons encore à élucider, il n’a jamais eu une réelle chance de montrer ce dont il est capable. Pour étayer mes dires à ce sujet, je citerais en exemple Slimani et Soudani qui, ces deux dernières années, sont la force de frappe de l’équipe nationale et, malheureusement pour ceux qui pensent que le joueur local ne vaut rien, ces deux éléments sont bel et bien des joueurs locaux. Le premier nous vient de Chéraga et le second de Chlef.

 

Pour ce qui vous concerne, vous allez rester au pays la saison, prochaine. Avez-vous des contacts ?

Oui, je prends le temps d’étudier tout cela. On verra ça dans quelques semaines.

 

On peut connaître ces clubs ?

C’est un peu prématuré, mais c’est des clubs d’Alger et d’ailleurs.

M. O.

 

Bio express

Mourad Slatni est né le 5-2-1966 à Annaba. Formé à l’USM Annaba, il est  l’aîné d’une fratrie de trois footballeurs, Yacine, ex-international de son état, excellent footballeur lui aussi, et Réda un autre footballeur, mais moins connu que ses deux aînés. Mourad, défenseur central, un libéro plein de grâce dans son geste et dans son football tout en finesse. Un grand monsieur sur le terrain, un gentleman comme on en voit pratiquement plus dans nos stades. Après avoir joué débuter à Annaba, il «descend» à Alger et signe au MCA, il y fait quatre saisons puis il rejoint le Chabab de Belouizdad et ensuite le RC Kouba, non sans être retourné au club de ses premiers amours, l’USM Annaba.

 

 

Amateur de musique

S’il est plus connu pour avoir été un grand libéro, Mourad Slatni est aussi un mélomane, un amateur de belle musique. Il gratte la guitare à chaque fois qu’il en a le temps. Amateur de belle musique, il adore la musique classique et toutes les belles mélodies. Mourad Slatni, en vrai Bônois qu’il est, est aussi un amateur de chaabi qu’il écoute en prenant beaucoup de plaisir.

 

 

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