Que ce soit en conférence de presse ou même lors de l’interview qu’il nous avait accordée mercredi dernier, Lucas Alacaraz a fait savoir que les portes de l’EN sont ouvertes pour tout le monde et que les compteurs seront remis à zéro. Un discours qui a soulagé Zineddine Ferhat suspendu par la FAF l’été dernier. Un discours suivi par un contact du staff de notre équipe nationale, plus précisément Hakim Meddane, qui a appelé le joueur au cours de ces derniers jours, nous dira le milieu de terrain du Havre AC. Un nouveau discours qui a fait plus que plaisir à l’ancien joueur de l’USMA, puisqu’il a affirmé revivre depuis. Aussi, dans l’entretien que nous a accordé Ferhat hier en début d’après-midi, il évoque sa suspension, mais aussi sa première année en tant que professionnel. Interview.
A 2 journées de la fin, êtes-vous content d’avoir assuré le maintien, ou déçu de ne pas accéder en Ligue Une ?
Vous savez, quand j’ai signé mon contrat au Havre AC, les dirigeants m’ont clairement signifié qu’on jouait l’accession. Pour preuve, la direction a beaucoup investi sur le recrutement l’été dernier pour justement atteindre cet objectif. Nous avions fait un très bon début de saison en ayant gagné nos quatre premiers matchs, mais après il y a eu des soucis avec notamment un entraîneur qui est parti. Mais malgré cela, on n’a pas cessé de me préciser qu’il fallait tout donner pour accéder en première division, mais malheureusement ça n’a pas marché. Actuellement, nous occupons la 9e place mais le championnat n’est pas encore fini…
Qu’insinuez-vous exactement?
Pas plus tard qu’il y a deux jours, nous avons eu une réunion avec les dirigeants du club. Ces derniers nos ont fait savoir qu’il était impératif de gagner nos deux prochains matchs face à Tours et à Orléans dans le but d’améliorer notre classement. C’est vous dire que nous nous battrons jusqu’au bout pour tenter de glaner des places au classement général.
Pour votre première saison en tant que joueur professionnel, que pensez-vous avoir appris ?
Les gens en Algérie ont l’idée reçue que le niveau de la D2 française est bas. Et bien ma réponse à votre question sera toute simple : durant toute ces années où j’ai pratiqué ce sport, c’est uniquement cette saison que j’ai appris ce que c’était réellement jouer au football….
A ce point. C’est quand même fort ce que vous venez de dire ?
Oui, c’est vrai et je pèse mes mots en vous disant cela. J’ai pratiquement tout appris cette saison. Certes, le talent je l’avais, mais pas du tout le reste. J’ai appris ce que c’était une vraie séance d’entraînement. Ici on rentre au stade à 9h, on en sort à 14h. Il y a le pré-échauffement, l’échauffement, l’entraînement et on termine avec de la musculation. C’est vraiment intense. Quand vous rentrez à la maison, vous n’avez qu’une seule envie : dormir. Pour moi, maintenant, faire la sieste est aussi important que dormir la nuit…
Ce qui n’était pas le cas en Algérie…
En Algérie, on arrivait à 10h, on commençait à 11h, on finissait à 12h30. Au plus, on faisait deux heures d’entraînement. A 13h, j’étais chez moi. C’est vous dire que ça n’a absolument rien à voir. Ce sont deux mondes différents.
Et sur le plan tactique…
Là aussi je risque de vous surprendre. Avant que je n’arrive au Havre AC, quand je dribblais et que je perdais le ballon, croyez-moi, je ne savais pas quoi faire, où me placer sur le terrain. Or ici, on vous explique exactement ce qu’il y a à faire, où défendre, où se replacer, des choses très précises que j’ignorais dans le passé…
En fait, vous avez refait votre apprentissage de ce sport ?
C’est exactement cela, et c’est pour cette raison qu’au début j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter. En plus d’être dans un nouveau pays, dans une nouvelle ville, un climat complétement différent, loin de ma famille et de mes amis, j’ai dû faire beaucoup d’efforts lors des séances d’entraînement pour en même temps tout réapprendre, mais aussi tenter d’arracher une place de titulaire au sein de l’effectif. Ce n’était pas facile, mais, Dieu merci, j’ai réussi à relever le défi. La deuxième moitié de saison s’est très bien passée pour moi. En fait ici et, pour faire simple, l’intensité des entraînements est plus forte que celle des matchs.
Et quelles sont vos relations avec le coach ?
Comme vous le savez, en début de saison, nous avions l’Américain Bob Bradley, et j’avoue que je ne communiquais pas beaucoup avec lui. D’abord, lui parlait seulement anglais, et puis ce n’est pas le genre de coach très proche de ses joueurs. Mais avec Oswald Tanchot, déjà, quand il était l’adjoint de Bradley, je m’entendais super bien avec lui. D’ailleurs, quand j’avais des coups de cafard du fait que ma famille me manquait, il n’hésitait pas à me remonter le moral pour que je me sente mieux. C’est vous dire que ce coach ainsi que les dirigeants de ce club m’ont beaucoup aidé et je les en remercie.
Sur un plan personnel, êtes-vous satisfait de votre saison ?
Oh que oui, je suis à sept passes décisives et deux buts. Avec mes 7 passes, je pense être quatrième meilleur passeur de la D2 cette saison. Donc, pour ma première année, je ne peux être que très content, hamdoullah.
Vous dites avoir découvert le football cette saison, ne regrettez-vous pas de n’être pas parti plus tôt ?
Regretter non, car quand vous êtes sous contrat en Algérie, ce n’est pas évident d’être libéré. Peut-être que oui j’aurais pu partir plus tôt, mais je me dis que je suis encore jeune et que j’ai de la marge devant moi.
Vous jouez dans un club qui a permis à une des stars du moment, Ryad Mahrez en l’occurrence, de se faire connaître. Les gens au Havre ont-ils tendance à vous comparer à lui ?
Me comparer non, car lui déjà est né ici et a toujours vécu ici, alors que moi je viens d’Algérie. Même sur le plan du jeu, on ne me parle pas forcément de Ryad, qui, pour moi, a réussi une chose extraordinaire, terminer meilleur joueur du meilleur championnat du monde, la Premier League en l’occurrence. Après, je ne vous cache pas qu’avant de signer ici, je l’ai appelé pour me renseigner et lui demander conseil…
Et que vous a-t-il dit ?
Et bien que si j’avais l’intention d’être bien formé et de passer un cap dans ma carrière, signer au Havre AC était un très bon choix, et donc je n’ai pas hésité à le faire.
Vous avez signé un contrat de 3 ans, allez-vous rester ou plutôt partir ?
(Il rit). C’est la question qui fâche mes dirigeants. Il est vrai qu’il me reste encore deux ans de contrat, mais si j’ai la possibilité de jouer dans un club de Ligue une ou de partir en Angleterre, et bien, je m’en irai. Maintenant, si les propositions ne sont pas intéressantes, je resterai avec plaisir au Havre AC en tentant de réussir l’accession la saison prochaine.
Lucas Alcaraz a déclaré récemment que la porte était ouverte pour tous les joueurs, un discours qui doit vous soulager, non ?
Et comment ! Entendre de la bouche même du sélectionneur national que plus aucun joueur n’est suspendu, je n’y croyais presque pas. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’étais heureux. Pour moi, c’est un nouveau départ qui commence dans ma carrière…
Franchement, vous en voulez encore à l’ancien président, Raouraoua ?
Oui, le fait de m’avoir suspendu à vie alors que je n’avais absolument rien fait m’a fait beaucoup de mal. Moi qui ait fait toutes les sélections nationales des jeunes catégories, me dire que je ne pouvais pas défendre le maillot national de l’équipe A sans qu’on me donne la moindre explication, ça m’a affecté et m’a fait mal au plus profond de moi-même. D’ailleurs, au Havre AC, ils ont pu constater cela, car j’étais complétement déstabilisé...
Pouvez-vous être plus explicite ?
En signant au Havre AC, j’avais mis comme clause qu’ils devaient impérativement me libérer pour prendre part aux JO avec les U23 du fait que ce n’était pas une date FIFA. Ils ont refusé dans un premier temps, mais, comme ça faisait partie de mes principales conditions, ils ont fini par accepter. Après, j’apprends que je suis écarté non seulement de la liste pour les JO mais on me suspend à vie de la sélection nationale.
La raison de votre suspension serait de n’avoir pas informé la FAF de votre transfert…
J’étais tranquillement chez moi, et on m’a appelé pour aller signer. On était en plein mois de Ramadhan, je me rappelle, je suis parti le matin et revenu le soir même. En plus, je ne savais pas que je devais informer la FAF pour une signature, d’autant plus que je n’étais pas en stage. Vous savez, j’ai toujours été très proche du président Raouraoua, car je suis un pur produit de l’académie de la FAF, mais cela n’a pas empêché qu’on me suspende sans même me faire passer par une commission de discipline. Encore pire, je l’ai appris comme tout le monde dans les journaux…
Avez-vous eu une discussion avec l’ancien président depuis ?
Non, non, on ne s’est jamais parlé ni revu depuis.
Un an de suspension, pensez-vous avoir raté des choses ?
Bien sûr. Quand vous jouez toute la phase éliminatoire, une CAN avec les U23 et que vous ratez les JO, vous êtes marqué à vie. Aussi, pour ce qui est de la CAN du Gabon, si je n’avais pas été suspendu, j’aurais peut-être pu y prendre part. Mais je me console en me disant que je n’ai que 24 ans et que j’aurai, incha Allah, l’occasion d’en faire d’autres.
Le manager général actuel de l’EN, Hakim Meddane en l’occurrence, est quelqu’un que vous connaissez bien, vous a-t-il contacté ?
Comme vous venez de le préciser, je connais bien Meddane pour l’avoir eu comme entraîneur quand j’étais avec les U17, notamment lors de la Coupe du monde que nous avions disputée en 2009.
Oui, on m’a appelé récemment pour me redire exactement le même discours lancé par le coach lors de sa conférence de presse, à savoir qu’il comptait sur tout le monde. Mon sentiment : je me sentais revivre à ce moment-là. Le maillot national a une grande valeur à mes yeux, et l’idée seule de penser que je peux le revêtir à nouveau me rend très heureux. Je suis très content, vous pouvez me croire.
Il est possible que le coach demande à vous voir, mais cela ne sera pas synonyme de convocation pour le prochain stage ?
Même si je rencontre le coach et que je ne serai pas convoqué, ce n’est pas très grave pour moi. Car le fait de le voir et discuter avec lui signifie que je suis un élément important à ses yeux et qu’il me considère. Et rien que cela me fait énormément plaisir. Donc, si je ne fais pas partie de sa liste, c’est à moi de faire les efforts et de travailler encore plus afin de mériter cette place en équipe nationale.
Vous avez joué à deux postes différents cette saison au Havre AC…
Tout à fait, j’ai joué une partie de la saison comme milieu offensif droit, et la deuxième partie comme milieu offensif gauche. Comme je suis polyvalent et que je joue des deux pieds, je n’ai pas eu de soucis à m’y adapter.
Roland Courbis vous faisait aussi jouer comme arrière droit à l’USMA, pensez-vous pouvoir dépanner dans ce poste en équipe nationale ?
J’ai effectivement évolué comme arrière droit lorsque nous avions une défaillance à ce niveau-là, et je pense m’être plutôt bien débrouillé. Si je suis convoqué en équipe nationale, je jouerai là on me demandera de le faire, car le fait de défendre les couleurs nationales est déjà un honneur pour moi. (Rire). Je peux même jouer dans l’axe s’ils le veulent. Plus sérieusement, je n’ai aucun souci pour ça.
Dans votre poste, il existe beaucoup de joueurs de talent, cela ne vous fait-il pas peur ?
Pas du tout. Bien au contraire, le fait d’être au contact de ces joueurs d’expérience confirmés évoluant dans le très haut niveau me permettra certainement d’apprendre beaucoup.
La FAF compte rouvrir son académie, pensez-vous que c’est une bonne chose ?
C’est vraiment une très bonne nouvelle. En plus, à présent il y a le centre technique national de Sidi Moussa qui dispose de tous les moyens nécessaires, ce qui n’était pas le cas pour nous puisque nous avions fait deux écoles différentes. Nos jeunes ont beaucoup de talent mais ont vraiment besoin d’être formés.
Continuez-vous à suivre l’USMA ?
Et comment. C’est le club du cœur. J’ai passé des moments inoubliables dans ce club, et je n’oublierai jamais cela. Certes ils ont peut-être perdu le championnat, mais ils leur reste la coupe d’Afrique. J’espère qu’ils finiront par la remporter cette année.
Une finale de coupe d’Afrique que vous avez jouée et perdue…
Tout à fait. J’ai tout gagné dans ce club mis à part cette coupe d’Afrique qui manque à mon palmarès et à celui de l’USMA. J’espère vraiment qu’ils finiront par la remporter. D’ailleurs, laissez-moi vous raconter une anecdote…
Oui, bien sûr…
Pas plus tard que cette semaine, des supporters usmistes m’ont appelé me demandant de voir avec les dirigeants de mon club s’ils pouvaient m’autoriser à disputer les matchs de la coupe d’Afrique avec l’USMA. Ça m’a fait certes rire, mais surtout très plaisir car cela prouve que les fans rouge et noir ne m’ont pas oublié.
A. H. A.