Depuis sa retraite sportive, l’ancien professionnel au RC Lens, notamment, n’a jamais quitté le monde du football. Il reste un observateur avisé. Il livre, dans cet entretien, ses impressions sur les récentes performances de l’EN.
L’EN est sur une série de cinq victoires consécutives, quels effets ont ses bons résultats sur l’équipe ?
Évidemment, quand les résultats sont bons, cela contribue au retour du calme et de la sérénité autour de la sélection. Le nouvel entraîneur (Petkovic) est arrivé dans un contexte assez difficile : sous ses ordres, la sélection enchaîne les victoires, il entame de la plus manière son aventure. Cependant, il ne faut pas non plus s’enflammer.
Pourquoi ?
C’est bien de se qualifier à la CAN 2025, mais ce n’est qu’une fois en phase finale qu’on jugera notre équipe. N’oublions pas que la CAN va se dérouler au Maroc, ce qui fait que ce sera un peu particulier pour nos joueurs. Ce rendez-vous africain, on doit dès maintenant entamer sa préparation, même si c’est encore loin (décembre 2025).
Mais ces belles performances vont certainement booster le groupe…
Quand on voit par exemple des gars comme Amine Gouiri ou Houssem Aouar prendre beaucoup de plaisir sur le terrain, en plus de leurs bonnes prestations lors des dernières sorties, et qu’ils ne sont pas les seuls à émerger, on se dit que cette sélection est sur la bonne voie. J’ai aussi noté que l’entraîneur national a su trouver le bon amalgame en composant avec des éléments chevronnés et des jeunes très doués.
Assiste-t-on à un rajeunissement en douceur de l’effectif ?
Franchement, je ne suis pas d’accord. Si l’entraîneur national aligne onze trentenaires le jour du match et que ces derniers sont d’un excellent apport, je ne vois pas où est le problème. Mais d’après ce que j’ai constaté, Petkovic cherche à trouver le juste milieu, sans prendre en considération l’âge des uns et des autres.
Pour rester dans le sillage, le dernier regroupement a vu l’arrivée de Maza qui n’a que 18 ans. C’est un signe indicateur, non ?
Ibrahim Maza a fait toutes les sélections allemandes de jeunes, cependant être en Équipe nationale A, c’est totalement autre chose. Avec les exigences du résultat et la pression, je pense qu’il faut aller doucement avec ce gamin. Il est évident que Vladimir Petkovic qui vit en Suisse et comme dans ce pays on s’intéresse de près au championnat allemand, il a dû constater que Maza a du potentiel. Toutefois, j’ai quelques réserves, car pour être très performant en Équipe nationale, il faut qu’il prouve dans le haut niveau. Quand vous prenez Mahrez, Bensebaïni ou Gouiri, ils fréquentent le très haut niveau depuis des années, ce qui leur permet de jouer plus à l’aise avec la sélection nationale, ce qui fait qu’il est un peu trop tôt pour lui, néanmoins s’il a été sélectionné, c’est qu’il a des qualités.
Un autre jeune attaquant, en l’occurrence Amin Chiakha, devrait recevoir sa convocation prochainement. Un commentaire ?
C’est un attaquant qui est promu à un bel avenir. Cette saison, il n’a pas beaucoup joué avec le FC Copenhague. Avec seulement une apparition en cinq matchs de championnat, c’est léger pour prétendre jouer en Équipe nationale A. Bien entendu, si vous jouez au Milan AC et que votre temps de jeu est élevé, là, il n’y a rien à dire. Que ce soit Maza et lui, il serait préférable de les faire jouer d’abord avec l’EN U20 afin de leur permettre de s’aguerrir et de mieux connaître le football algérien, et puis, pour espérer se qualifier à la phase finale de la CAN U20, une compétition à laquelle on est absent depuis longtemps. Ce serait deux très bons renforts, c’est du moins mon avis, après peut-être Petkovic a une autre vision des choses.
Mahrez qui a 33 ans est très critiqué pour son rendement ces derniers temps. Quel est votre avis ?
Tous les joueurs traversent pendant une saison un passage à vide. Pour Mahrez, c’est un peu plus tôt dans la saison. Riyad reste un grand joueur, cependant dans le football d’aujourd’hui, il y a plusieurs paramètres à prendre en compte. Certains font le lien avec son transfert en Arabie saoudite. Franchement, sur ce point, je ne suis pas d’accord. Regarder Cristiano Ronaldo à 39 ans, il performe toujours avec le Portugal, pareil pour Leo Messi qui évolue dans un championnat (MLS) qui n’est pas d’un niveau très élevé, cela ne l’a pas empêché de marquer un triplé cette semaine contre la Bolivie. Récemment, j’ai assisté à un match entre mon équipe Nottingham Forest (il fait partie de la cellule de recrutement du club, ndlr) et Chelsea. Comme il y avait des joueurs de plusieurs nationalités sur le terrain, j’ai remarqué la présence de nombreux sélectionneurs nationaux ou leurs adjoints dans la tribune. Ils sont venus voir leurs joueurs. Le suivi est important. Après, c’est à eux de faire leur constat. S’ils voient qu’un joueur traine la patte, ils ne vont plus compter sur lui. J’insiste sur le suivi, on est loin de notre époque (il a joué fin 80 et début 90 en EN) où l’entraîneur national vous appelle au téléphone : « Alors, ça va la forme ? » Évidemment, on répondait par l’affirmative, car ça nous tenait à cœur d’être en sélection. Mais aujourd’hui, le football a totalement changé. Le sélectionneur national est obligé de suivre tous les matchs des joueurs en club. Pour Mahrez, le problème se pose au niveau d’Al Ahly Djeddah, pas en sélection avec laquelle il fait quelques entraînements avant les matchs, c’est du moins mon avis personnel.
Un gars comme Saïd Benrahma, comment expliquer qu’il est irrégulier dans ses prestations en sélection ?
Il y a des joueurs qui fonctionnent à l’affectif et qui ont besoin de se sentir importants dans une équipe. Avec West Ham et l’Olympique Lyonnais maintenant, il fait de belles choses. Pour moi, sa présence en Équipe nationale est légitime, car Benrahma performe au très haut niveau. La semaine dernière, il a marqué un très joli but contre le Togo, même si, de par son talent, il peut encore élever son niveau en sélection.
Et de Gouiri, qu’est-ce que vous en pensez ?
Amine joue en Équipe nationale comme deuxième attaquant. Outre son agilité et son intelligence, il est en plus un joueur très malin. Il faut rappeler que Gouiri est considéré comme une valeur sûre en Ligue 1. Néanmoins, dans cette équipe d’Algérie, on dispose de plusieurs bonnes individualités, après il faudrait seulement créer un esprit d’équipe.
Aït-Nouri, qui sort d’une excellente saison, était prévu qu’il signe dans l’un des clubs tops de la Premier League, finalement il est resté à Wolverhampton. Est-ce une bonne chose ?
Rayan est un joueur que je suis depuis qu’il était au SCO Angers. En Angleterre, il a beaucoup progressé. S’il n’a pas été transféré vers un grand club de la Premier League, je pense que ce n’est que partie remise. Vous savez, en Angleterre, le marché des transferts est permanent. Le fait qu’il joue dans un club comme Wolverhampton, il y a énormément de chances pour qu’il bouge. Dans ce pays, seuls les grands clubs gardent leurs meilleurs joueurs. Mohamed Salah à Liverpool, De Bruyne à Manchester City, par exemple. Ils ne bougeront qu’en cas de transfert au Real Madrid ou à l’Arabie Saoudite. Par contre, il est hors de question qu’ils aillent dans un autre club de Premier League. Wolverhampton, qui joue le maintien, pourrait vendre Aït-Nouri à tout moment.
Après avoir composé son ticket qualificatif à la CAN 2025, en mars prochain, on reprendra les éliminatoires de la Coupe du monde 2026. C’est l’autre challenge qui attend les Verts…
Pour moi, si on ne se qualifie pas à la Coupe du monde 2026, ce sera une faute professionnelle. Il est impensable qu’avec dix équipes africaines qui se qualifieront à la phase finale, l’Algérie, qui est dans le top 5, n’y sera pas ! Si on a dans notre groupe le Nigéria, la Côte d’Ivoire ou le Ghana, ça peut passer, mais sans diminuer de la valeur de nos adversaires dans le groupe (Guinée, Botswana, Ouganda, Somalie et Mozambique). Si on ne finit pas premier, ce sera, je le répète, une faute professionnelle.
L’EN qui est leader du groupe G n’a plus droit à l’erreur, surtout après la défaite contre la Guinée 1-2 au mois de juin dernier. Votre avis ?
Il faut se battre jusqu’à l’ultime journée et ne plus perdre de points. Avec le visage qu’elle montre ces derniers temps, j’ai bon espoir pour que l’EN finisse par arracher la qualification au prochain Mondial.
Enfin, après avoir été entraîneur des attaquants au LOSC, depuis vous travaillez pour Nottingham Forest. Concrètement, quel rôle assurez-vous dans ce club ?
Étant résident dans le Nord (à Lens), je fais de la prospection dans les pays mitoyens, la Belgique et les Pays-Bas. En même temps, je suis le Championnat français. En outre, je regarde énormément de vidéos de joueurs qui évoluent, par exemple, au Brésil, dans le but de regrouper des informations que je transmets après à la direction de Nottingham Forest. Par ailleurs, je me déplace tout le temps en Afrique pour superviser des joueurs qui sont proposés au club. Il y a 15 jours, j’étais au Nigéria. Mon rôle ne se limite pas à superviser des joueurs, mais également à créer des contacts afin de faciliter après le transfert.
M.S.