Nous sommes à quelques semaines du début de la nouvelle saison. Des équipes sont déjà en stage et d’autres viennent de reprendre. Cependant, ce qui attire l’attention, c’est la présence massive de coachs étrangers au détriment du produit local. Compétition s’y est intéressé tout en essayant de comprendre ce qui ne va pas.
C’est un constat qui prend de plus en plus d’ampleur chaque saison. La présence d’entraîneurs étrangers dans le championnat local est de plus en plus forte. Petit chiffre pour le démontrer, sur les 16 équipes engagées dans la nouvelle saison sportive en Ligue 1 Mobilis, 10 entraîneurs étrangers sont présents contre 6 seulement pour le produit local. Casoni au MCA, Froger à l’USMA, Badou Zaki au MCO, Franck Dumas très bientôt à la JSK, Nogues au CABBA, Daou au DRBT, Alain Michel au MOB, Bououkaz à Sidi Bel- Abbès, Taoussi à Sétif et enfin Francisco Chalo au Paradou. C’est dire que nos dirigeants font plus confiance au produit étranger qu’au produit local. D’ailleurs, on peut maintenant dire que la menace qui plane est sérieuse pour nos entraîneurs qui n’arrivent plus à avoir de bancs pour la nouvelle saison. Une situation qui laisse dubitatif du moment qu’automatiquement les présidents se dirigent droit vers l’entraîneur étranger et n’ont recours au coach local qu’en dernier recours. Mais qu’est-ce qui peut bien faire pencher la balance ?
Amrani, l’arbre qui cache la forêt
La saison passée, le CSC a été sacré champion d’Algérie et cela avec un entraîneur local sur son banc, à savoir Abdelkader Amrani. Le coach a fait des merveilles pas avec une équipe flamboyante mais a réussi à être le plus régulier possible en imposant son style de jeu où seul le résultat comptait. Avec son titre, le coach passé par le MOB et l’ESS a réussi à redonner au produit local une certaine crédibilité mais ça reste tout de même l’arbitre qui cache la forêt dans cette histoire. Les autres coachs sont automatiquement exclus des clubs de Ligue 1 et n’ont que très peu de chances d’avoir les faveurs des responsables.
Les locaux aiment les acquis, pas le recyclage
On le voit partout dans le monde. A un certain moment, il y a des stages de recyclage des entraîneurs. Zineddine Zidane l’a fait en reprenant les cours et en faisant son recyclage. Christian Gourcuff donne des cours de recyclage et n’arrête pas d’enseigner les dernières méthodes en termes de coaching. Cependant, nos entraîneurs ne sont pas vraiment fans du recyclage et préfèrent reposer sur leurs acquis mais comme le football est une mise à jour perpétuelle, ils savent au fond qu’ils doivent rester à jour et apprendre pour progresser et faire progresser tout le football.
La FAF pourrait aider aussi
S’il y a une chose à faire, il semble qu’elle soit entre les mains de la FAF. En effet, l’instance présidée par Kheireddine Zetchi pourrait également être d’une grande aide dans cette histoire. Partant sur le principe de défendre les acquis, les pensionnaires de Dély Ibrahim pourraient par exemple organiser des stages de recyclage et envoyer des entraîneurs en Allemagne ou en Espagne pour qu’ils fassent une cession de recyclage et apprennent de nouvelles méthodes. L’apport de la FAF serait indéniable mais qu’on soit bien précis, il ne s’agit pas d’une obligation mais ce serait un beau geste envers les techniciens locaux qui risquent de disparaître dès la saison prochaine si les choses ne s’arrangent pas d’ici là.
- Z.
Entraîneurs étrangers en Ligue 1 Mobilis
MCA : Bernard Casoni
USMA : Thierry Froger
JSK : Franck Dumas
ESS : Rachid Taoussi
CABBA : José Maria Nogues
MCO : Badou Zaki
MOB : Alain Michel
DRBT : Hammadi Daou
USMBA : Moez Bououkaz
PAC : Francisco Chalo
Les survivants de la Ligue 1 Mobilis
JSS : Nabil Neghiz
NAHD : Dziri Bilel
OM : Saïd Hammouche
CSC : Abdelkader Amrani
ASAM : Lakhdar Ajdali
CRB : Liamine Bougherara
Yahi : «On ne doit en vouloir qu’à nous-mêmes»
Pour faire la lumière sur le sujet, on a décidé de joindre quelques techniciens locaux et bien connus du paysage sportif national. Parmi eux, on retrouve Hocine Yahi, ex-star du Chabab. Ce dernier est révolté par ce qui se passe et a un avis tranché sur le sujet : «Sans être raciste ni contre cette histoire, les entraîneurs étrangers sont les bienvenus et sont avant tout des collègues mais les collègues, il faut qu’ils soient compétents et meilleurs que nous. Je défie quiconque que ces entraîneurs ne sont pas meilleurs que nous, ne sont pas à jour comme nous. J’ai travaillé avec quelques entraîneurs, je suis au courant de tout ce qu’ils font en Algérie. Je ne citerai pas de nom. Il y a des coachs compétents mais ils se comptent sur les bouts des doigts. Les présidents et managers comment peuvent-ils ramener des étrangers qui n’ont jamais travaillé chez eux et attendent l’eldorado parce que désormais, l’Algérie, c’est l’eldorado des coachs étrangers. Si le niveau du football algérien a régressé, les coachs étrangers ont une grande part de responsabilité.»
«Les présidents engagent ceux qui combinent et qui connaissent les arbitres»
Notre interlocuteur ne s’est pas arrêté là et pointe également un doigt accusateur envers ses confrères et aussi les présidents et managers : «Les entraîneurs locaux ont également une part de responsabilité. Je pèse mes mots, il y en a beaucoup qui manquent de compétence qui sont dans la combine. Les présidents pour leur part engagent un entraîneur qui connaiît des arbitres. Les coachs laissent les présidents faire ce qu’ils veulent et les joueurs aussi. Quand on cherche un coach rigoureux, on les dissuade de le faire signer car ils savent qu’il se mettra en travers de leur chemin. Maintenant, il ne faut nous en vouloir qu’à nous-mêmes. On n’a pas d’association, pas de moyens de nous défendre et, surtout, certains te poignardent dans le dos en te volant ton boulot. Toi tu joues un match et ton collègue est en tribune pour te voler ta place. J’ai 25 ans d’expérience, tous mes diplômes et je pense avoir toutes les qualités pour entraîner. J’ai fait toutes les classes et toutes les divisions mais je reste patient et j’attends mon heure. Les dirigeants de la FAF m’avaient donné des garanties car j’ai demandé les U23 mais à ce jour, ils n’ont rien fait. Je suis révolté.»
- Z.
Zemiti : «Le technicien local est méprisé»
Pour sa part l’ancien entraîneur du RCK va encore plus loin et parle de mépris de la part des présidents de club : «Tout d’abord, ce n’est pas une question de compétences car je pense que le coach local est aussi compétent qu’un coach étranger et il n’y a qu’à voir ce qu’a réussi à faire Abdelkader Amrani avec le CSC la saison passée. Maintenant, il ne faut pas non plus oublier le fait que les présidents de club méprisent aussi le coach local. Ils préfèrent aller voir directement le coach étranger. Je le dis en connaissance de cause. Après, il y a un autre paramètre très important. Si la direction d’un club choisit un entraîneur local, elle doit le soutenir et lui donner les moyens et surtout le protéger comme elle le ferait avec un entraîneur étranger. Cependant, ce n’est pas ça qui se produit chez nous. L’entraîneur étranger est plus soutenu que le coach local et on se montre bien plus patient dans ce cas. Il faudrait poser la question aux présidents, car eux aussi sont partie prenante dans ce sujet.»
Drid : «Le coach algérien est valorisé partout, sauf dans son pays»
L’ancien entraîneur du CABBA et du MCO Nacer Drid a également un avis tranché sur la question. Pour lui, le coach local n’est pas valorisé dans son propre pays et que si ça continue comme ça, ça pourrait devenir pire : «Je pense que les entraîneurs algériens peuvent réussir un peu partout. Ils sont valorisés dans d’autres pays mais pas dans le leur. C’est ce mépris qui fait que la situation en est arrivée là. Maintenant, il faut aussi le dire, nous aussi on n’a pas de structure pour se défendre, on n’a pas de cohésion ni de syndicat par rapport à ça. Cela fait qu’on n’est pas protégés. De plus, je trouve que la FAF pourrait également aider en matière de recyclage en faisant le nécessaire pour aider les coachs. J’en connais qui ont payé de leur poche pour le recyclage. Je suis contre ceux qui disent qu’ils n’ont pas besoin de recyclage car le football évolue chaque jour. Enfin, je dirais qu’en recrutant les étrangers, il y a à boire et à manger. Certains peuvent accepter que le président fasse l’équipe, ce que certains de nos coachs n’accepteront jamais.»
- Z.